Infirmière, Charlotte se prostitue depuis quatre ans pour s'en sortir
"Nous étions présents pour tout le monde y compris après, quand il a fallu vacciner à la chaîne. Au final, on a eu droit à quoi ? Une prime de 500 €… C’est ridicule !
Infirmière de profession, Charlotte, habitante du Val-d'Oise, se prostitue depuis 2019 pour élever ses enfants et veiller à ce qu'ils ne manquent de rien. Elle témoigne. Confrontée à des difficultés financières, Charlotte, infirmière et maman de deux préadolescents, se prostitue depuis quatre ans. Confrontée à des difficultés financières, Charlotte, infirmière et maman de deux préadolescents, se prostitue depuis quatre ans. (©La Gazette du Val-d’Oise)
Par Romain Dameron Publié le 28 Mai 23 à 20:46 Voir mon actu Son regard bleu perçant se perd sur l’Oise. Charlotte (*) contient sa colère.
La petite quarantaine, cette habitante du Val-d’Oise exerce depuis plus de vingt ans « ce beau métier d’infirmière », sourit-elle avec ironie. Prostituée depuis quatre ans Il y a quatre ans, cette maman de deux préados a eu du mal à boucler les fins de mois. Son salaire et celui de son conjoint ne suffisaient plus à améliorer l’ordinaire et le manque d’argent est devenu plus pesant au fil du temps. Ni ménages ni Mac Do Pour pouvoir « offrir une semaine de vacances » à ses enfants et faire en sorte « qu’ils ne manquent de rien », cette habitante de la vallée de l’Oise a passé en revue tous les scénarios : « Je ne me voyais pas faire des ménages à 12 € de l’heure ou aller bosser chez Mac Do.
J’ai compris très vite que je pouvais me faire de l’argent facilement. » Alors, un jour gris de janvier 2019, « le 10 précisément », Charlotte a donné rendez-vous à son premier client. Une annonce écrite sur un site Internet, quelques questions posées en ligne, un accord sur le prix, et puis le premier pas dans la prostitution. « Ça a été difficile, mais j’aime le sexe et ça m’a aidée à franchir ce cap », souffle-t-elle. Vidéos : en ce moment sur Actu « Je n’ai jamais eu peur » Les rendez-vous s’enchaînent, chez les clients, dans sa voiture, à l’hôtel ou parfois chez elle pour quelques habitués. « J’ai 4 ou 5 clients fidèles et quelques occasionnels que je ne revois plus », affirme Charlotte. À raison d’une ou deux passes par semaine, parfois plus, elle empoche 800 € « les bons mois ». Malgré les risques liés à son activité, elle affirme ne jamais s’être sentie en danger : « Aucun client ne m’a menacée et je n’ai jamais eu peur. Je les choisis et je me réserve le droit d’en refuser un si je ne le sens pas. » « Je suis fatiguée et malheureuse »
Depuis quatre ans, Charlotte cache sa double vie à ses amis et à sa famille. Aujourd’hui, elle veut témoigner ou plutôt alerter sur ce que sa situation personnelle dit d’une sale époque. « Les gens doivent savoir qu'en 2023 des infirmières font les putes pour pouvoir s'en sortir. Je connais au moins trois consœurs qui sont dans la même situation que moi. Je suis fatiguée et malheureuse, mais je n'ai pas envie que mes enfants trinquent pour tout ça. Tout ce que je fais, c'est pour eux. » Charlotte Infirmière et prostituée Écœurée par le manque de reconnaissance, les salaires au rabais et les promesses sans lendemain, elle laisse exploser sa rage : « J’ai fait trois ans et demi d’études. On a des responsabilités énormes qui peuvent nous envoyer en taule si on commet une erreur. Nous (les soignants, Ndlr) avons tous été réquisitionnés pendant le Covid.
J’ai passé des journées à mettre des gens dans des housses mortuaires.
Nous étions présents pour tout le monde y compris après, quand il a fallu vacciner à la chaîne. Au final, on a eu droit à quoi ? Une prime de 500 €… C’est ridicule ! » Les dernières illusions de Charlotte se sont volatilisées après la pandémie. Aujourd’hui, pour rien au monde, elle encouragerait une étudiante à se lancer dans des études d’infirmière. Vie apaisée On tente de lui parler d’avenir, de jours meilleurs ou d’une vie apaisée, loin des passes et des michetons d’un soir. Charlotte soupire, puis repose sur la rivière ses grands yeux clairs rougis de tristesse. Un silence. « Tout ce que je fais, c’est pour mes gosses », répète-t-elle, comme un mantra. Pour se donner de la force et peut-être aussi un peu d’espoir. (*) Le prénom a été modifié.
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