"Nous, Ivoiriens, nous sommes extasiés devant la carrière de notre compatriote Tidjane Thiam, compatriote que nous partageons d’ailleurs avec la France puisqu’il possède aussi la nationalité de ce pays. Mais objectivement, qu’est-ce que sa carrière professionnelle a apporté à la Côte d’Ivoire ? " Par Venance Konan Journaliste
"Tu le sais, Tidjane Thiam a été le 1er ivoirien, en 1982, à intégrer la prestigieuse école Polytechnique en France. De ce fait, il a été une source intarissable de motivation pour de nombreux ivoiriens de cette époque où l’excellence avait encore droit de cité. Cette admission à Polytechnique est encore aujourd’hui un élément de fierté pour notre pays et pour tous nos compatriotes qui veulent lui emboîter le pas. Ils sont nombreux à marcher dans les sillons qu’il a tracés." Par Jean Bonin KOUADIO Juriste Ami et ex-collaborateur de Tidjane Thiam
Par : Venance KONAN "L’Afrique au service du monde"
Il y a quelques jours, j’ai échangé les vœux du nouvel an avec un ami sénégalais vivant à Dakar. Et dans la foulée, il m’a donné les nouvelles de ses enfants. L’aînée travaille à Paris pour une grande société opérant dans le secteur de l’énergie, son fils qui mesure près de deux mètres et est assez doué pour le basket-ball a entamé une carrière dans ce sport aux Etats Unis où son père l’avait envoyé pour ses études, et sa cadette, qui avait fait des études de comptabilité travaille à Dakar pour une multinationale française. Et mon ami de conclure ainsi : « tu te rends compte, j’ai financé les études de mes enfants, l’Etat sénégalais a pris le relais en leur donnant des bourses et aucun d’eux ne travaille pour son pays !
Nous avons utilisé nos maigres moyens pour former des cadres et les offrir aux pays développés. » Je lui expliquai que c’était à peu près la même chose dans ma famille. Quand ce ne sont pas les enfants, ce sont les frères, cousins ou neveux qui font leurs vies ailleurs, en Occident. Avec nos encouragements. Que ceux qui lisent ces lignes regardent autour d’eux.
Qui n’a pas un membre de sa famille travaillant en Europe, aux Etats-Unis, au Canada ou ailleurs dans le monde, mais pas en Afrique, sauf comme cadre dans une multinationale ?
Oui, ceux que nous envoyons étudier dans les pays développés et qui y font de bonnes études ne consentent à revenir travailler sur le continent que dans les entreprises de ces pays. Ou dans la très haute administration de leurs pays qui conduit à la politique.
Il en est de même pour les sportifs, les artistes, les écrivains. Leurs rêves à tous, est de faire carrière loin du continent africain. Le jeune de Bromacoté qui s’inscrit dans une école de formation de football ne rêve nullement de jouer à l’Asec ou à l’Africa, encore moins au Sacraboutou de Bondoukou.
Le jeune chanteur de reggae ou de Zouglou qui s’époumone à Abobo ne rêve que de conquérir Babylone et d’y vivre, avec si possible sa nationalité. En attendant, il se contenterait bien du prix de la radio française RFI. L’écrivain francophone rêve lui, du prix Goncourt, un prix français décerné aux livres édités en France par des éditeurs français. Les anglophones eux rêvent du Booker Prize, l’équivalent britannique du Goncourt. Nos grands sportifs ne reviennent au pays que lorsqu’ils ont fini leurs carrières en Europe où ils ont investi l’essentiel de ce qu’ils ont gagné. De retour au pays, certains d’entre eux cherchent à occuper des postes de prestige pour continuer d’être au firmament.
Telle est la réalité paradoxale de l’Afrique. Le continent le plus pauvre, qui a le plus besoin de cadres compétents, d’ingénieurs, de techniciens bien outillés se saigne pour former toutes ses ressources humaines et elle les met à la disposition des autres pays déjà riches.
Quel est le pays africain qui a mis en place une vraie politique de lutte contre cette fuite des cerveaux ?
Ne donnons-nous pas chaque année des bourses aux plus brillants de nos étudiants pour l’étranger en sachant qu’ils risquent de ne plus revenir ?
Au contraire, combien ne sommes-nous pas fiers lorsque nous apprenons que l’un des nôtres travaille dans une grande entreprise occidentale de dimension internationale, sans nous demander ce que ce dernier apporte à son pays. Nous, Ivoiriens, nous sommes extasiés devant la carrière de notre compatriote Tidjane Thiam, compatriote que nous partageons d’ailleurs avec la France puisqu’il possède aussi la nationalité de ce pays.
Mais objectivement, qu’est-ce que sa carrière professionnelle a apporté à la Côte d’Ivoire ?
Je crois savoir que depuis plus de vingt ans il n’a pas remis les pieds ici.
A moins que je ne me trompe. Quelqu’un peut-il nous certifier qu’il l’a vu ici depuis la chute du gouvernement de M. Bédié en 1999 ?
A-t-il seulement une maison ici ? En fin de compte, quelle est la raison pour nous d’être fiers de sa réussite ?
Finalement, comment espérons-nous voir l’Afrique se développer lorsque tous ses meilleurs cerveaux, voix et muscles sont pris par le reste du monde ?
A qui la faute, demanderions-nous ?
A personne et à tout le monde.
Quel parent n’est pas fier de dire que son rejeton travaille pour telle multinationale ou est cadre dans tel pays européen, américain, ou asiatique ?
Quel parent, ayant décelé quelques dispositions en matière de sport ou d’art chez son enfant ne l’incite-t-il pas à s’exiler ?
Quels pays africains encouragent-ils sérieusement leurs ressortissants exilés devenus hauts cadres ou hauts techniciens en Europe ou en Amérique à revenir servir leurs patries ? ==== N’avons-nous pas applaudi lorsque le président français Macron a organisé l’année dernière son sommet France-Afrique nouvelle formule dont un des aspects les plus importants a été d’attirer en France les start-ups africaines les plus innovantes ?
Ne rêvons pas. Nous nous sommes condamnés à rester à la périphérie du monde, transpirant pour lui fournir ce que nous avons de meilleur et nous contentant de nos déchets et de ceux des autres.
Par Venance Konan
Jean Bonin KOUADIO Juriste Ami et ex-collaborateur de Tidjane Thiam "Lettre ouverte à Venance Konan"
Dans un article publié le 9 janvier dernier, dans le quotidien gouvernemental Fraternité Matin, qu’il utilise malheureusement comme son carnet intime, mon aîné Venance Konan pose la question suivante relativement à Tidjane Thiam et je cite “qu’est-ce que sa carrière professionnelle a apporté à la Côte d’Ivoire ?”.
Une question pour le moins surprenante quand on connaît le brillantissime parcours professionnel en Côte d’Ivoire et à l’étranger du mis en cause. Ce parcours ne nécessite pas que je m’y appesantisse car il est de notoriété publique.
Cher frère, n’est-ce pas toi qui, déjà, le 21 novembre dernier, lui consacrais un autre brûlot, sous forme d’un réquisitoire. Après l’opposant Allassane Ouattara d’alors, Tidjane Thiam semble être ton nouveau souffre-douleur. À ta décharge, comme Albert Camus, disons que « la bêtise insiste toujours… ».
Pour une certaine catégorie d’ivoiriens, dont manifestement tu fais partie, un « apport » ne peut être que matériel. Un apport dans ta néo conception vénale ne peut pas être intellectuel, moral ou spirituel. Il est uniquement lié aux choses matérielles. Dès lors, l’immatérialité devient un élément marginal et secondaire, sans le moindre intérêt pour toi. Je vais rester collé à ta conception matérialiste, pour t’éclairer sur la contribution sans souillure, déterminante et intemporelle de Tidjane Thiam au développement de notre pays. Aussi, me plait-il de te rappeler qu’en 1994, alors qu’il menait une brillante carrière professionnelle à l’international, il a fait le sacrifice de retourner dans son pays pour le servir et y occuper le poste de DG du BNETD, puis de ministre du plan et de la programmation du développement.
Ne t’en déplaise, les fonctions qu’il a occupées, ainsi que les connaissances acquises à l’international, lui ont permis de négocier avec succès la réalisation de bon nombre d’infrastructures et de superstructures dont les ivoiriens s’enorgueillissent aujourd’hui. Il serait fastidieux de toutes les énumérer, tant elles sont nombreuses et impactent leur vie quotidienne.
Je citerais tout de même, pêle-mêle, le 3ème pont d’Abidjan (pont HKB), les centrales électriques CIPREL et Azito, la modernisation de l’aéroport FHB, la privatisation de l’exploitation de nombreuses entreprises publiques dont Ci-Telcom ou la RAN. Par ailleurs, n’eût été le coup d’Etat de 1999, il aurait inauguré en 2002 le pont Riviera - Marcory, la gare routière interurbaine moderne d’Adjamé, le parc d’exposition d’Abidjan, le complexe parc à bétail abattoir d’Anyama et j’en passe. Son apport est tel qu’il est aisé de constater que tous ces grands chantiers qu’il a initiés sont restés en l’état depuis lors, sans aucun début de commencement perceptible.
Maintenant que nous avons ébauché quelques « apports » matériels et palpables de Tidjane Thiam, je voudrais évoquer une infime partie de ses ses apports immatériels, ô combien importants pour un grand nombre d’entre-nous. Tu le sais, Tidjane Thiam a été le 1er ivoirien, en 1982, à intégrer la prestigieuse école Polytechnique en France. De ce fait, il a été une source intarissable de motivation pour de nombreux ivoiriens de cette époque où l’excellence avait encore droit de cité. Cette admission à Polytechnique est encore aujourd’hui un élément de fierté pour notre pays et pour tous nos compatriotes qui veulent lui emboîter le pas. Ils sont nombreux à marcher dans les sillons qu’il a tracés.
Depuis Tidjane Thiam, ils sont en moyenne pas moins de cinq ivoiriens à intégrer chaque année polytechnique en France et à servir dans la plus grande discrétion, avec probité et efficacité leur pays. Au nombre de ceux que Tidjane a inspiré, et qui font eux aussi notre fierté, je pourrais citer notamment Sarrazin, le 2ème polytechnicien ivoirien, Amadou Bakayoko, le 3ème, actuel DG du groupe CIE - Sodeci. Je n’oublierais pas Sidi Cissé, actuel directeur de cabinet adjoint du 1er ministre, Coulibaly kinapara, actuel DG du bnetd, Achi Brou, ancien de Goldman & Sachs, Miss Dago, haut cadre à la Société Générale en france... Comment ne pas citer le ministre Abdourahmane Cissé, actuel SG du gouvernement !
L’expérience acquise à l’international lui a permis de former de nombreux cadres ivoiriens qui en ce moment occupent de hauts postes de responsabilité dans notre Administration ou dans des institutions internationales renommées telles que le FMI, la BAD ou encore la Banque Mondiale. Autant d’organismes où ces compatriotes œuvrent quotidiennement, directement ou indirectement, au développement de notre pays. Par pudeur, et surtout parce qu’ils n’aiment pas le stérile brouhaha je me garderais d’en citer quelqu’uns.
Cher aîné, ce dont la Côte d’Ivoire, notre pays à tous, a le plus besoin c’est d’un capital humain de qualité. Avec un tel capital, il ne fait aucun doute, que Fraternité Matin ne se situerait pas dans les profondeurs abyssales de l’indigence financière. C’est factuel. Cher frère, Tidjane Thiam aimait nous rappeler que ce sont les « tonneaux vides qui font le plus de bruit ». Arrête de bruisser et, si tu crois en avoir les aptitudes, sois un modèle pour la nouvelle génération qui attend de toi mieux que de la condescendance. Sois un exemple qui inspire et qui n’a pas nécessairement besoin de garantir sa pitance quotidienne par une certaine propension à vilipender indûment nos icônes nationales !
Pour terminer, permets-moi de te poser une question. Une toute petite.
Qu’as-tu apporté à la Côte d'Ivoire à part tes nègreries (l’expression est tienne), tes retournements de veste et les déficits cumulés à Fraternité Matin durant la décennie que tu y as passée ! J’espère avoir une prompte réponse.
Par Jean Bonin KOUADIO Juriste Ami et ex-collaborateur de Tidjane Thiam