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Côte d'Ivoire-Mali : L'ONU hausse le ton et appelle à une « libération immédiate » des 46 soldats ivoiriens injustement détenus à Bamako

Dans un communiqué rendu public, ce lundi 26 septembre 2022, le Secrétariat des Nations Unies (ONU) appelle à « la libération urgente » des militaires ivoiriens détenus par la junte militaire du Colonel Assimi Goïta. "Le Secrétariat des Nations Unies, Antonio Guterres appelle à la libération urgente des soldats ivoiriens détenus dans l'esprit des relations fraternelles entre les peuples de Côte d'Ivoire et du Mali.", relève-t-on. Le diplomate portugais y exprime "sa profonde préoccupation face à la détention continue depuis le 10 juillet des soldats ivoiriens à Bamako." et "réitère sa profonde appréciation de la contribution de la Côte d'Ivoire aux opérations de paix de l'ONU et à la MINUSMA en particulier".

Dans un communiqué rendu public, ce lundi 26 septembre 2022, le Secrétariat des Nations Unies (ONU) appelle à « la libération urgente » des militaires ivoiriens détenus par la junte militaire du Colonel Assimi Goïta.

« Le Secrétariat des Nations Unies exprime sa vive préoccupation face au maintien en détention depuis le 10 juillet de militaires ivoiriens à Bamako. Les Nations Unies réitèrent leur profonde gratitude pour la contribution de la Côte d’Ivoire aux opérations de paix des Nations Unies et à la MINUSMA, en particulier », lit-on dans la note publiée sur le site de l’Organisation des Nations-Unies (ONU).

« Le Secrétariat des Nations Unies appelle à la libération urgente des militaires ivoiriens détenus dans l’esprit des relations fraternelles entre les peuples de Côte d’Ivoire et du Mali. A cet égard, il soutient fermement tous les efforts visant à faciliter cette libération ainsi que le rétablissement de la confiance et la promotion du bon voisinage entre les deux pays », souligne le communiqué.

Qui ajoute : « Le Secrétariat des Nations Unies exprime sa profonde préoccupation concernant la détention depuis le 10 juillet de soldats ivoiriens à Bamako ». Cette annonce intervient après celle de la CEDEAO qui a demandé la libération des soldats ivoiriens que le Colonel Abdoulaye Maïga, a encore présenté, à la tribune des Nations Unies, comme des « mercenaires », alors que la justice malienne elle-même n’a pas qualifié cette infraction.

Le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres avait réclamé la libération des 46 militaires ivoiriens détenus par la junte malienne, depuis plus de deux mois. « Ce ne sont pas des mercenaires. C’est évident. Et je fais appel aux autorités maliennes pour que ce problème puisse se résoudre », avait-il déclaré, au cours d’une interview, en marge des assemblées générales de l’ONU.

Au Mali détention des 46-soldats ivoiriens la médiation de la dernière chance .

Assimi Goïta est désormais sur une pente raide La patience a des limites. Les chefs d'Etat de la Cedeao vont mener l'ultime médiation au Mali. Ce jeudi 22 septembre 2022, les chefs d'Etat de la sous-région ont, à l'unanimité, condamné la détention des 46 soldats ivoiriens au Mali. Ils ont relevé "un chantage" de la junte militaire malienne, qu'ils ont invitée à libérer sans délai les 46 soldats ivoiriens. Bien avant cette conférence extraordinaire, tour à tour, les présidents Sénégal, du Niger et de la Guinée-Bissau ont rappelé l'illégalité des arrestations, avant d'appeler les autorités maliennes à libérer les soldats. Le ministre des affaires étrangères du Nigeria, qui a été dépêché au Mali, vendredi 9 septembre 2022, par son président, Muhammadu Buhari, a clairement expliqué qu'il était porteur d'un message clair à Assimi Goïta, chef de la junte malienne. Pour lui, plus question de maintenir en détention les soldats maliens. "L'extradition des opposants maliens en en échange des soldats ivoiriens sont deux choses différentes", a-t-il dit en substance au micro des journalistes de RFI et France 24.

Mardi prochain, ce sera la mission de la dernière chance au Mali avant l'entrée dans un conflit dur où la Côte d'lvoire ne fera plus de cadeaux à son voisin"

 Le président ivoirien Alassane Ouattara a appelé, mercredi 21 septembre dernier, à la tribune des Nations unies, le Mali à libérer sans délai les soldats ivoiriens. La mission de Haut niveau est considérée, dans les chancelleries de la sous-région, comme la dernière. Selon de bonnes sources, Abidjan a préparé une série d'actions contre Bamako qui pourrait subir plusieurs mesures de rétorsion. Abidjan a étudié, depuis plusieurs semaines, les mesures susceptibles de faire plier le Mali. "Un membre de la délégation ivoirienne glissait à Rfi que le Mali ne doit pas oublier que la Côte d'lvoire fournit 20% de son électricité alors qu'il nous doit quelque 40 milliards de francs CFA de factures ď'électricité impayés. Mardi prochain, ce sera la mission de la dernière chance au Mali avant l'entrée dans un conflit dur où la Côte d'lvoire ne fera plus de cadeaux à son voisin", note Radio France internationale (Rfi).

Parce que le Mali dépend de la Côte d’Ivoire sur plusieurs plans : utilisation du port autonome d'Abidjan pour ses produits d'importation et d'exportation, fourniture en électricité, présence d'hommes d'affaires maliens avec de gros marchés. En tout cas, la Côte d'Ivoire est prête à activer des mesures coercitives. Dans la sous-région, les chefs d'Etat pourraient accompagner Abidjan dans sa réaction, puisque la quasi totalité des pays sont agacés par l'attitude de la junte militaire malienne.

Au Mali, la situation sécuritaire et sanitaire ne cesse de se dégrader, et le pouvoir d'achat des Maliens a considérablement baissé. Les prix des produits de première nécessité ont pris l'ascenseur et l'inflation galopante a largement entamé la qualité de vie des populations. Si au départ, Alassane Ouattara semblait réticent à des sanctions au regard de la situation générale du Mali, il est décidé, selon de bonnes sources, à réagir à la mesure de la provocation.

Les premières sanctions de la Cedeao ont été dures pour le Mali. De nouvelles sanctions, venant surtout de la Côte d’Ivoire mettront le Mali à terre.

Au sein de la junte malienne, des voix discordantes se font entendre. Parmi les colonels qui ont fait le putsch, il y en a qui ne partagent plus l'idée de la détention prolongée des soldats ivoiriens. Assimi Goïta aurait envisagé une libération enrobée de décision de justice. Vrai ou faux ? Difficile, pour l'instant, de le confirmer. Au sein des populations, en revanche, les guides religieux et une bonne brochette d'artistes maliens ont interpellé, en vain, Assimi Goïta sur les risques d'un conflit ouvert avec le voisin ivoirien. La junte malienne a donc le pistolet sur la tempe et un faux mouvement pourrait lui coûter chère. "Les premières sanctions de la Cedeao ont été dures pour le Mali. De nouvelles sanctions, venant surtout de la Côte d’Ivoire, mettront le Mali à terre. Le Sénégal, la Mauritanie, le Togo, le Burkina vers lesquels le Mali peut se tourner sont aujourd'hui humiliés par la junte, qui refuse de faire aboutir la médiation. Même le Nigeria est déçu ", confie un diplomate à lavenir.ci. Les jours à venir seront décisifs et la junte malienne est désormais dans l'œil du cyclone.

Publié le 24 Sep 2022 à 00:07 Yacouba DOUMBIA

Source  </phttps://www.lavenir.ci/politique/3437

« Antoine Cesareo avait un contact direct avec le président Houphouët-Boigny. Quand quelque chose, quelque part, ne fonctionnait pas comme le voulait le Président, il disait à ses collaborateurs : « allez voir Cesareo !

Ave Cesareo Antoine Cesareo. Ce nom ne dira certainement rien aux jeunes générations d’Ivoiriens, mais ils sont encore nombreux dans ce pays à avoir travaillé avec lui, à l’avoir côtoyé, ou à avoir entendu parler de lui. Son image est incrustée dans les vitraux de la basilique de Yamoussouskro, à côté de celles d’Houphouët-Boigny, de Pierre Fakoury et de tous ceux qui ont contribué à la construction de cette œuvre, selon la tradition des bâtisseurs d’édifices chrétiens.

Antoine Cesareo est décédé à l’âge de 88 ans, le lundi 19 septembre dernier, à Perpignan en France, son pays natal, où il résidait depuis son départ de Côte d’Ivoire. Je ne l’ai personnellement pas connu, mais en 1987, lorsque j’entrais dans la vie active après mes études, Antoine Cesareo était probablement l’homme le plus puissant de ce pays après Houphouët-Boigny. Il était en train de superviser la construction de la basilique de Yamoussoukro, mais il était surtout le tout-puissant directeur général de la Direction et contrôle des grands travaux (DCGTx) ou appelée tout simplement les « Grands Travaux », cette structure qui réalisait et gérait, comme son nom l’indique, tous les grands travaux de l’Etat, à savoir, la basilique, les routes, et tout ce que l’Etat considérait comme grand. Il était aussi celui qui négociait avec les institutions financières internationales, car la crise économique et financière avait déjà commencé dans le pays, et c’était le temps des ajustements structurels.

Cesareo avait la confiance, et d’Houphouët-Boigny, et des institutions financières internationales. Voici ce que feu le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, qui fit une bonne partie de sa carrière aux Grands travaux avant d’entrer en politique en dit, au temps de Cesareo : « au début des années 80, les Grands Travaux étaient au cœur du dispositif de l’Etat ivoirien. La DCGTx avait été rattachée directement à la présidence. Houphouët-Boigny avait compris que les grands projets devaient s’inscrire dans une approche à la fois sectorielle et globale, qu’il fallait couper court dans les divisions administratives, qu’il fallait une « centralité ». Progressivement, les Grands Travaux ont pris de l’importance. Tous les bureaux d’études intégrés dans les ministères ont été suspendus ou liquidés. » Et voici ce que l’ancien Premier disait d’Antoine Cesareo lui-même : « Antoine Cesareo avait un contact direct avec le président Houphouët-Boigny. Quand quelque chose, quelque part, ne fonctionnait pas comme le voulait le Président, il disait à ses collaborateurs : « allez voir Cesareo ! » Cesareo lui faisait alors part de ses idées, de ses souhaits, de ce qu’il jugeait bon pour le pays. Et inversement.

Les tensions étaient permanentes entre les ministères et les Grands Travaux. J’ai des souvenirs précis de certaines audiences. Nous partions voir le Président avec Cesareo pour exposer nos dossiers et nos projets. Cesareo apportait la lettre qui donnait des instructions à tel ou tel ministre, généralement celui de l’Economie et des finances. Il arrivait avec un stylo feutre, toujours neuf, qu’il tendait au Président. Le Président signait, et le secrétaire général de la présidence, Alain Belkiri, se chargeait du suivi. » Voici un peu l’homme qui vient de nous quitter, tel que décrit par l’ancien Premier ministre.

Ceux qui ont travaillé avec lui et avec qui j’ai pu discuter de lui l’ont décrit comme un homme d’une extrême rigueur, un peu rude parfois, mais d’une grande générosité dans sa vie privée. C’est peut-être cette rigueur et son côté rude qui ont fait se lever une fronde contre lui, au point d’amener Houphouët-Boigny à le débarquer brutalement, avant même la consécration de la basilique dont il avait supervisé la construction. Donnons encore une fois la parole au défunt Premier ministre sur le départ de Cesareo : « le Président Houphouët-Boigny a dû estimer que les cadres ivoiriens devaient davantage monter au front, mener le combat. Que Cesareo, malgré tous ses talents, avait fait son temps, en quelque sorte. Houphouët-Boigny a dû se dire qu’il ne pouvait pas avoir toutes ces personnalités qui sont ses ministres, dans une relation où ils sont frustrés d’être des « numéros deux » d’un Français, à un moment où tout change. Il y a un temps pour chaque chose et ce n’était plus le temps de Cesareo. Cela a dû être difficile pour lui, mais je crois que les choses se sont passées dans des conditions confortables. Et il a pu choisir son successeur. » Je ne l’ai personnellement pas connu, ni de près ni de loin comme je l’ai dit, mais je tenais à lui rendre cet hommage, parce que les témoignages que j’ai reçus de ceux qui l’ont connu m’ont conforté dans l’idée qu’il a eu à servir mon pays à une certaine époque et qu’il méritait que l’on s’incline devant sa mémoire.

Par : Venance Konan

Militaires ivoiriens détenus au Mali: Abidjan dénonce une «prise d'otage»

Les autorités maliennes de transition exigent que la Côte d'Ivoire extrade les personnalités politiques maliennes qui ont trouvé refuge à Abidjan. C’est une condition pour la libération des militaires ivoiriens arrêtés le 10 juillet dernier et toujours détenus. Cela fait plusieurs semaines que RFI a révélé cette exigence de Bamako, mais elle n'avait jamais été assumée publiquement.

Vendredi soir, dans un communiqué de la présidence malienne, le colonel Assimi Goïta lie clairement les deux dossiers : pas de libération de soldats ivoiriens sans extradition des politiques maliens en « contrepartie ». Abidjan est en colère.

« Nous considérons désormais qu'il s'agit d'une prise d'otage et d'un moyen de chantage. » Cette source proche de la présidence ivoirienne, qui préfère pour le moment s'exprimer hors micro, est outrée. « Ils veulent faire payer au président Ouattara l'embargo décidé par la Cédéao et l'Uemoa », estime cette source, en référence aux sanctions décidées par les organisations ouest-africaines et qui avaient frappé le Mali pendant six mois, entre janvier et juillet dernier, pour obtenir des engagements sur la tenue de futures élections.

 « Ces deux questions ne peuvent pas être liées, c'est du règlement de compte », juge encore cette source, qui assure que la libération des trois soldates, il y a tout juste une semaine, était censée être « le début d'un processus » et que les propos tenus vendredi par le président malien, le colonel Assimi Goïta, tiennent du « changement de discours ».

Ce haut responsable ivoirien affirme d'ailleurs que ce n'est pas la première fois : « Ils avaient promis fin juillet de ne pas judiciariser » l'affaire. Mais à la mi-août, les soldats ivoiriens détenus étaient officiellement inculpés pour, notamment, « atteinte à la sûreté de l'Etat ». Ils sont depuis dans l'attente de leur procès. Extradition exclue

 À ce stade, en tout cas, livrer les personnalités politiques maliennes qui ont trouvé refuge en Côte d'Ivoire est catégoriquement exclu par Abidjan. On parle du fils de l'ancien président IBK, Karim Keïta, de l'ancien Premier ministre Boubou Cissé et de l'ancien ministre Tiéman Hubert Coulibaly, contre lesquels la justice malienne a lancé des mandats d'arrêt internationaux dans différents dossiers.

 Toutes ces personnalités ne résident pas de manière permanente à Abidjan et ne s'y trouvent d'ailleurs pas forcément actuellement, même si elles y séjournent régulièrement. En tout état de cause, Abidjan refuse clairement de se soumettre à ce qui est considéré comme du « chantage ».

Dans sa déclaration officielle, le président malien de transition, le colonel Assimi Goïta explique qu’il s'agit d'une simple « contrepartie », sans laquelle la libération des soldats ivoiriens ne serait pas une « solution durable » mais, au contraire, « une solution à sens unique ».

Il est encore trop tôt pour dire si Abidjan pourrait durcir le ton, mais un Conseil national de sécurité devrait être convoqué en début de semaine prochaine, sur ce sujet. On sait que des moyens de pression, voire de représailles, existent : il y a trois millions de Maliens en Côte d'Ivoire et beaucoup d'intérêts économiques, puisque des milliers de camions maliens chargent chaque semaine des marchandises à Abidjan ou à San Pedro. La Côte d'Ivoire fournit aussi de l'électricité au Mali.« Nous faisons la différence entre la junte au pouvoir et les Maliens, rassure cette source ivoirienne, pour le moment, nous privilégions l'apaisement. » Mais évidemment, la question est de savoir jusqu'à quand. Autres pistes

« Nous faisons la différence entre la junte au pouvoir et les Maliens, rassure cette source ivoirienne, pour le moment, nous privilégions l'apaisement.

» Mais évidemment, la question est de savoir jusqu'à quand. Autres pistes D'autres pistes de négociation sont sur la table. Sur le plan économique, justement, le Mali souhaite que le président ivoirien Alassane Ouattara use de son influence pour obtenir des financements auprès de la Cédéao. Sur ce point, « le président Ouattara n'a pris aucun engagement, mais il pourrait plaider pour le Mali », assure notre source proche de la présidence ivoirienne, qui ajoute : « Mais seulement si les relations entre les deux pays vont dans le sens d'une normalisation, et en aucun cas en contrepartie de la libération de soldats qui n'ont rien fait. »

Pour rappel, les militaires ivoiriens avaient été arrêtés le 10 juillet dernier à leur descente d'avion, à l'aéroport de Bamako, alors qu'ils venaient au Mali dans le cadre d'un soutien à la mission des Nations unies dans le pays, la Minusma. Mais des dysfonctionnements administratifs ont conduit à leur arrestation. Des dysfonctionnements officiellement reconnus par Abidjan, lors de la libération des trois soldates la semaine dernière ; les termes « manquements » et « incompréhensions » ont été prononcés officiellement.

La Minusma a quant à elle accepté de remettre à plat ses procédures pour les rotations aériennes et de répondre aux exigences maliennes afin d'éviter de nouvelles situations de ce type. Pour autant, Bamako continue de considérer officiellement les soldats ivoiriens arrêtés comme des « mercenaires » venus déstabiliser le pays. Ce qui n'a pas empêché l'arrivée, il y a deux semaines, d'un nouveau contingent de 425 militaires ivoiriens, actuellement en poste à Tombouctou.

Photo d'Archive pour illustrer l'Article RFI

Yodé et Siro : « Nous devons faire confiance à Alassane Ouattara » Soldats ivoiriens arrêtés au Mali, réconciliation nationale, inflation… Le duo zouglou Yodé et Siro appelle à la mobilisation.

 Les deux membres du duo Yode et Siro. « Nous sommes comme le bon vin. Plus on vieillit, plus on devient bons.

» On aurait du mal à les contredire. Yodé et Siro, duo emblématique du zouglou, n’en finit plus de sortir des albums dont les titres font danser tous les maquis d’Abidjan. En octobre prochain, ils vont célébrer leur 25 ans de carrière. Un quart de siècle de rythmes endiablés et de textes – souvent – militants qu’ils comptent bien fêter dignement, et avec leur public. Leur dernier titre, Les 49, a déjà été vu plus d’un demi million de fois sur Youtube, à peine dix jours après sa mise en ligne.

Ces 49, ce sont les soldats ivoiriens qui ont été arrêtés au Mali, et qui sont depuis au centre d’une brouille diplomatique entre Alassane Ouattara et Assimi Goïta, dans laquelle Faure Essozimna Gnassignbé joue le rôle de médiateur. Si trois soldates ont été libérées depuis la sortie du single, les artistes n’en démordent pas : il faut rester mobilisé tant que tous les soldats ne sont pas « rentrés au pays ». Entretien avec Siro, moitié de ce duo contestataire – actuellement en France pour soutenir le groupe Les Patrons qui se produit au Zenith de Paris ce samedi 10 septembre – , qui assure « faire confiance » au chef de l’État ivoirien sur ce dossier, et appelle à la concorde entre les peuples.

Jeune Afrique : Votre dernière chanson, Les 49, évoque l’affaire des soldats ivoiriens emprisonnés à Bamako. Le texte adopte un ton conciliateur, loin du registre dans lequel vous vous êtes fait remarquer : pourquoi cet effort de diplomatie ?

 Siro : Pour nous, le treillis militaire, l’uniforme, représente une nation, et voir nos militaires emprisonnés nous déchire le cœur. La situation a créé beaucoup de colère et de tensions, certains Ivoiriens appelaient même à des manifestations. Nous avons voulu sortir cette chanson de sensibilisation pour accompagner la diplomatie. Nous devons faire confiance au chef de l’État sur ce dossier, il faut éviter de mettre de l’huile sur le feu.

 Et vous l’aurez remarqué, trois jours après la sortie de cette chanson de mobilisation pour maintenir la flamme d’espoir, trois soldates ont été libérées. Nous espérons que les autres recouvriront la liberté eux aussi, d’ici deux semaines. Notre priorité, c’est la libération de nos soldats. La chanson reste complètement d’actualité. Les 49, c’est un esprit, même s’il en reste 46 là-bas, pour nous ils seront toujours 49 : parce que c’est une équipe qui est partie, c’est une équipe qui doit revenir. Tant que ce ne sera pas le cas, nous poursuivrons la mobilisation.

S’ils ne venaient pas à être libérés dans les quinze jours comme vous l’espérez, que prévoyez-vous de faire ?

 Nous voulons impliquer les artistes maliens à notre initiative. Cette situation fatigue les deux peuples, elle est inconfortable pour tout le monde. Depuis le déclenchement de cette affaire, les artistes maliens ne peuvent plus se produire en Côte d’Ivoire par crainte de représailles ou de boycott. Des concerts d’artistes maliens qui étaient programmés à Abidjan ont même été annulés.

 Nous voulons nous mettre ensemble, Ivoiriens et Maliens, pour accompagner la diplomatie. Notre action sera pacifique et nous sensibiliserons et encouragerons les autorités des deux pays, ainsi que la médiation togolaise, à trouver une solution.

Sur ce dossier, vous appeler à faire confiance au chef de l’État. Vous êtes pourtant réputés proches de l’opposition…

Nous faisons une musique qui est née dans la contestation, dans le combat. Nous sommes toujours du côté des plus faibles. Nous ne faisons pas de zouglou de salon ! Mais pour autant, nous ne sommes pas proches de l’opposition. Nous pensons par exemple que le rapprochement entre le président Alassane Ouattara et ses deux prédécesseurs, Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié, fait du bien au pays.

 C’est une initiative du président Ouattara que nous saluons. Tout comme nous saluons l’opposition car, si le pays se porte mieux, c’est aussi grâce à la maturité de cette dernière, qui n’est plus dans la défiance. Le comportement de l’opposition est un gage d’apaisement de l’environnement politique. Quand l’opposition bouillonne, le pays est fragilisé. Notre rêve, c’est la paix. Nous ne pouvons pas aller de guerre en guerre, de crise en crise. Et dans cette optique, la notion de pardon est importante.

 En 2020, Siro et vous avez été condamnés à un de prison avec sursis et à 5 millions de francs CFA d’amende pour avoir affirmé que le procureur ne poursuivait en justice que les opposants…

Que retenez-vous de cet épisode ?

 Nous considérons que tout combat est noble. Et dans nos textes, nous disons les choses comme nous pensons qu’elles sont, sans chercher à en tirer profit. Nous voulons faire changer les choses dans notre pays. Nous avons choisi une musique, le zouglou, qui est né dans la contestation, dans le combat. Nous restons toujours sur cette ligne. +++++++++ En outre, nous partageons des liens avec certaines des personnalités citées dans l’affaire que vous évoquez… Cela a abouti à une situation compliquée, qui nous a coûté de très fortes amitiés. Mais ce sont les conséquences d’un combat.

 Vous vous présentez comme héritiers d’une musique fondamentalement contestataire. Pourtant, on ne vous a pas entendu jusque-là sur les conséquences de l’inflation et les difficultés des Ivoiriens face à la vie chère.

 Ce n’est pas à nous de régler tous les problèmes des Ivoiriens ! Et surtout, ce sont des questions que nous n’avons cessé d’aborder. Cela a été le cas, par exemple, dans l’album Héritage que nous avons sorti en 2020. Réécoutez ce titre : nous y chantons que, certes, il y a du goudron partout, et même des lumières sur le goudron, mais que les Ivoiriens ne mangent pas de goudron !

Par ailleurs, nos chansons, ou nos interventions dans les médias, ne sont pas nos seules manières de nous engager. Nous ne faisons pas que chanter ou parler, nous sommes aussi dans l’action. Et si nous dénonçons les maux de la société, c’est pour faire bouger les lignes, comme par l’histoire des politiciens emprisonnées ou des leaders d’opinions. C’est cela aussi notre rôle.

 Il y a une thématique, nouvelle pour vous, sur laquelle on vous voit très actifs ces derniers mois : la lutte contre le changement climatique, notamment en faveur du reboisement. Pourquoi cet engagement ?

 La Côte d’Ivoire a perdu plus de 90 % de sa forêt. Ce pays est notre seul héritage. Il fallait que nous nous engagions dans le reboisement. Nous avons lancé une caravane de reboisement cette année qui a permis de planter 184 hectares de forêt et l’année prochaine, nous visons les 500 hectares. Nous ne nous contentons pas seulement pour reboiser, nous faisons aussi l’agroforesterie, nous cédons les parcelles reboisées aux associations de femmes qui y cultivent des produits vivriers. C’est une façon aussi de lutter contre l’insécurité alimentaire.

 Nous luttons aussi contre les feux de forêt grâce à la sensibilisation des communautés locales. Nous travaillons aussi avec la Société de développement des forêts (Sodefor, entreprise publique), qui nous a formés. Et si vous y réfléchissez bien, en plantant des arbres, nous luttons aussi contre la vie chère. Pour l’heure, nous avons mené cette initiative sur nos fonds propres. Cette caravane a été un grand succès. Maintenant, nous voulons passer à la vitesse supérieure et sollicitons les donateurs et bailleurs pour que la mobilisation soit plus importante encore l’année prochaine.

 L’ACTU VUE PAR. Chaque samedi, Jeune Afrique invite une personnalité à décrypter les sujets d’actualité.

10 septembre 2022 à 11:56 Par Baudelaire Mieu -

à Abidjan Mis à jour le 10 septembre 2022 à 11:56

Source Jene Afrique 

INTERVIEW / SITUATION SOCIO-POLITIQUE, PRÉSIDENTIELLE 2025, LIMITATION D’ÂGE… Félicien Yédé N’guessan, militant Rhdp, dit des vérités crues

"Félicien Yédé N’guessan est un militant de première heure de l’ex-Rdr, ensuite du Rhdp. Il a été secrétaire départemental adjoint du Rdr (Sikensi). Expert consultant en communication des organisations, et ancien conseiller technique au Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec), il livre, dans cette interview, son analyse de l’évolution de la politique.

 Quelle est votre analyse de la rencontre le 14 juillet dernier entre les trois grands leaders de la politique nationale : le Président de la République Alassane Ouattara et ses deux prédécesseurs, Messieurs Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo ?

D’abord mes remerciements à vous et à toute la rédaction pour l’honneur que vous me faites de m’offrir l’opportunité de partager ma lecture de l’actualité sociopolitique de notre pays. A propos de la rencontre des trois plus grandes figures de la politique ivoirienne, il est souhaitable qu’après cette première, tout soit fait pour que les prochaines entrevues soient consacrées plus à des échanges d’intérêt national qu’à des revendications partisanes.

Et que pensez-vous de l’absence des deux grands leaders, les Présidents Bédié et Gbagbo aux festivités du 62ème anniversaire de l’indépendance à Yamoussoukro, alors qu’ils avaient été invités par la Président Alassane Ouattara à y prendre part ?

C’est vraiment regrettable que les deux Anciens Chefs d’Etat, censés être les premiers promoteurs des principes républicains, se soient volontairement soustraits de ce cadre solennel d’expression du patriotisme par excellence. Pour moi rien ne justifie ce genre d’attitude, quelle que soit la gravité des sujets qui peuvent opposer les hommes politiques les uns aux autres. Par cet acte, ils ont simplement manqué d’élégance politique en donnant l’impression de faire passer leurs intérêts partisans avant l’intérêt général. A cette allure, il est fort à craindre que le désir de réconciliation bruyamment affiché ne soit qu’un leurre.

Quel commentaire faites-vous de la crise qui oppose actuellement la Côte d’Ivoire au Mali dans l’affaire des 49 soldats ivoiriens détenus à Bamako par la Junte militaire ?

Pour commencer, permettez-moi de dire un mot sur le rôle de la Cedeao pour saluer la fermeté avec laquelle elle gère le dossier malien, ainsi que ceux du Burkina Faso et de la Guinée. Je pense qu’il est temps qu’en Afrique, nos Etats se soumettent au strict respect des règles et principes qui régissent les organisations régionales ou continentales dont ils sont membres. Notre sous-région en particulier a déjà assez souffert de l’instabilité récurrente de ses Régimes politiques. Il est vraiment temps que dans cette zone, les prises du pouvoir d’Etat par les armes soient définitivement bannies. Dans le cas malien et s’agissant de l’arrestation et la détention des militaires ivoiriens, j’ai foi dans les capacités du Président de la République et de son Ministre de la Défense pour parvenir à une issue favorable. En attendant, il convient de féliciter les ivoiriens pour les attitudes pacifiques qu’ils observent à l’égard de nos frères maliens vivant sur notre sol depuis le déclenchement de cette crise.

En ce moment la question de la vie chère fait l’actualité et pour laquelle des personnalités publiques, politiques et des citoyens se sont prononcé en dénonçant l’inaction du gouvernement à y apporter des solutions. Qu’en pensez-vous ?

Sur le sujet de la vie chère, le Gouvernement a déjà consenti beaucoup d’efforts pour en contenir les effets sur le quotidien des populations. Or nous savons tous que les causes de ce phénomène ne sont pas exclusivement endogènes. Partant de là, il est souhaitable que tous ceux qui émettent des critiques, notamment les partis de l’opposition, fournissent des arguments techniques, fiables et convaincants pour nous situer sur le niveau de responsabilité du Gouvernement. Dans le cas contraire, je serais en droit de pointer le caractère manipulatoire de ces critiques qui sont contraires à l’éthique en politique. Car à ce stade de notre évolution, les populations ont besoin de savoir d’où viennent les causes de leurs difficultés quotidiennes. C’est ce qui se passe dans tous les pays organisés.

Il y a de cela quelques mois, le Parlement ivoirien a vu l’élection de son nouveau Président en la personne de l’Ancien Secrétaire Exécutif du RHDP, Monsieur Adama Bictogo, avec le soutien quasi unanime de l’ensemble des partis politiques siégeant. Quelle est votre analyse de ce fait politique qu’on pourrait qualifier d’inédit dans l’histoire politique de la Côte d’Ivoire ?

Avant toute chose, je voudrais saluer la mémoire de l’Ancien Président, Feu Amadou Soumahoro pour qui j’ai beaucoup de respect pour ses convictions et son engagement politique. Quant au nouveau Président, je tiens à le féliciter et je suis convaincu qu’il apportera un souffle nouveau pour le rayonnement de cette Institution qui compte parmi les instruments majeurs de la République qu’il faut redynamiser pour accompagner plus efficacement l’Exécutif dans sa mission de modernisation et de développement de la Côte d’Ivoire. Et je l’en sais capable, car c’est un homme passionné, qui de l’ambition et avec qui j’ai eu l’occasion de partager des moments de collaboration à une certaine époque de notre lutte politique. Concernant l’option du consensus qui a marqué l’élection, elle n’était pas d’une nécessité absolue pour le candidat élu, même si cela représentait un signal fort dans le sens de l’apaisement.

A mon avis il serait plus judicieux que ce type de communion entre adversaires politiques soit plus porteuse de sens et qu’elle se manifeste, par exemple, lorsque les institutions de la République sont menacées de l’intérieur ou de l’extérieur, ou lorsque la vie d’un citoyen est en jeu, comme c’est actuellement le cas dans la crise des militaires ivoiriens détenus au Mali. Et c’est en cela que l’on peut reconnaitre l’utilité d’une action politique. Mais il convient après tout de saluer le mérite du Chef de l’Etat qui, depuis la présidentielle d’octobre 2020, et en dépit des nombreux faits de provocation et de défiance à son égard, a su créer les conditions de la stabilité qui permet aujourd’hui à la classe politique de se retrouver dans une telle ambiance fraternelle.

Alors comment en sommes-nous arrivés à cette situation après les incidents graves qui ont émaillé la présidentielle d’octobre 2020 ?

Cette question appelle logiquement le regard d’un sachant plutôt proche des différents dossiers qui ont été traités et qui ont abouti à l’état actuel de la situation. Je ne peux donc fonder mon analyse que sur ce qui est observable par le grand public dont je fais partie. Mais déjà, je me réjouis que nous soyons revenus, pour la première fois depuis des décennies, à un climat beaucoup plus apaisé avec un niveau de sécurité satisfaisant à maints égards. Et je souhaite que cela continue dans la durée.

Quelle est votre opinion sur l’élément déclencheur de cette crise de 2020 que certains attribuent à un troisième mandat, le « mandat de trop » pour le Président de la République, alors que les autres affirment que c’est son premier mandat de la troisième République ?

Ce débat en mon sens, n’avait pas lieu d’être pour une raison simple. Entre la position de ceux qui fondent leur argument sur le factuel, au regard des deux précédents mandats du Président Alassane Ouattara pour lui dénier le droit à un autre mandat, et ceux qui se réfèrent aux dispositions de la Constitution de la troisième République l’autorisant à briguer d’autres mandats, le débat devait être rapidement clos, si l’on s’en tient à la primauté du Droit sur les faits vécus. En tout état de cause il faut espérer que cette autre page noire de l’histoire de notre pays est définitivement tournée. Cependant il y a un élément fondamental qui a été éludé dans ce débat et sur lequel je voudrais revenir en juste deux mots pour dire que quand on aime son pays, on n’a pas le droit de le céder, quel que soit le prix à payer, à des mains insuffisamment préparées pour en assurer sécurité, surtout quand ce pays est sous menace terroriste imminente. C’est ce que le Président Ouattara en tant que Chef des armées a fait. Et il avait raison. Les résultats sont là. Le pays est stable, en paix et continue son petit bonhomme de chemin dans le voie du progrès. 

Et comment expliquez-vous le retour à cette situation d’accalmie ?

Plus qu’une accalmie, c’est de stabilité qu’il faut plutôt parler. Et le principal facteur explicatif, c’est l’approche préventive de la gouvernance et les mesures spécifiques qui en découlent. Tous les résultats que nous observons aujourd’hui sont en effet le fruit d’un ensemble de mesures que le Gouvernement a dû prendre, à divers niveaux de la vie de la Nation. A commencer par une surveillance accrue du territoire national, qui a permis de juguler les nombreuses tentatives de déstabilisation, tant de l’intérieur que de l’extérieur. Ensuite il a fallu, parallèlement au dialogue politique noué avec les partis de l’opposition, créer les conditions d’assainissement de l’environnement des affaires, de sécurisation des personnes et des biens, toutes choses qui ont favorisé des investissements publics et privés massifs, avec de nouveaux emplois à la clé, principalement au profit des populations jeunes. Tout cela avait pour but de parvenir à une croissance économique soutenue avec son impact positif sur le quotidien des populations. N’oublions pas que c’est grâce à cette embellie économique, en dépit des effets de la pandémie du Covid, que beaucoup de jeunes, surtout ceux qui se soucient véritablement de leur présent comme de leur avenir, ont pu résister aux appels à la violence et aux troubles sociaux et que progressivement nous avons pu recouvrer ce climat de stabilité et de paix dont il faut se féliciter.

Une certaine opinion trouve pourtant que cette « stabilité » que vous décrivez est plutôt due à une gouvernance autocratique qui ne favorise pas la liberté d’opinion, de manifestations, et de débats démocratiques. Qu’en dites-vous ?

Dans le cadre d’une gouvernance démocratique, la régulation de l’espace public me parait être une question centrale. Et dans le cas d’espèce, les choses telles qu’elles sont vécues aujourd’hui dans notre pays n’ont rien de comparable avec le passé sous les autres Régimes qui se sont succédés depuis la fin du règne du Président Houphouët-Boigny. Depuis lors, c’est en effet la première fois, à la faveur du développement des réseaux sociaux, que des opposants, même les plus anonymes, peuvent critiquer publiquement un Pouvoir comme c’est le cas actuellement, avec autant de virulence, allant quelque fois jusqu’à offenser purement et simplement le Chef de l’Etat sans être inquiétés. Il n’y a donc rien de comparable avec les campagnes de catégorisation, de ségrégation, les arrestations arbitraires, les enlèvements et même les assassinats dans de nombreux cas, qui avaient cours à une certaine époque. Sur ces sujets, je sais de quoi je parle pour avoir moi-même été enlevé en pleine journée, et avoir été à deux doigts de connaitre le même sort que toutes ces centaines voire milliers de personnes disparues, juste parce qu’elles étaient différentes ou parce qu’elles ne partageaient pas les mêmes opinions que certains de nos concitoyens. Et ces pratiques hideuses, nous en avons été des témoins oculaires durant des décennies, sous le règne de concepts fumeux comme « l’ivoirité », la « refondation » et que sais-je encore. Et il est bon de rappeler au souvenir de tous ceux qui veulent nier cette réalité implacable que ces pratiques ont fait beaucoup de mal à la Côte d’Ivoire et sont les principales causes des crises que le pays a connues de façon répétitive et dont on peine encore à sortir. C’est incontestable ! Alors, il est loisible de critiquer, mais il faut savoir raison garder en faisant quelque fois preuve de bonne foi. Quant au problème relatif à l’absence de débats contradictoires, le fait n’est pas nouveau et ne relève pas de la responsabilité d’un quelconque Gouvernement.

A qui la responsabilité donc ?

Le débat politique est une pratique, si ce n’est la première pratique nécessaire à la vitalité d’une Démocratie. Ceci revient à dire que sans débats politiques structurés, enrichies d’idées et de promesses distinctives, constructives, il n’y a pas de démocratie qui vaille. Pour faire vivre les débats, trois conditions doivent être remplies principalement. Premièrement, il nous faut des partis politiques mieux outillés pour proposer des solutions techniques, cohérentes et différentes les unes des autres, conformément aux idéaux qu’ils défendent individuellement. Deuxièmement, les spécialistes des sciences sociales doivent s’impliquer davantage dans le processus de changement social en produisant régulièrement des données scientifiques dans divers domaines d’activité. Car ce sont les sciences sociales qui, en observant la Société, identifient, nomment les problèmes et fournissent les clés de leur résolution à des organisations diverses, notamment les partis politiques pour leur permettre d’enrichir les débats. Troisièmement, les médias de masse devraient grâce à leur statut de quatrième pouvoir, tirer les partis politiques vers une émancipation démocratique en leur offrant des espaces de discussions spécialisées, pour leur permettre ainsi de marquer progressivement leurs différences idéologiques et programmatiques, sans lesquelles, il ne peut y avoir de vrais débats démocratiques constructifs. De ce point de vue, je constate que les médias majeurs que sont la radio et la télévision, manquent d’expertises pointues pour décrypter les faits de Société sur fond de critères normatifs, de sorte à mettre les partis politiques à l’épreuve de leur utilité sociale. Pour me résumer, je dirai que l’absence de débats politiques est l’affaire de tous. Elle est la conséquence logique d’une pénurie d’offres idéologiques et programmatiques viables, lisibles et visibles dans un contexte de vide scientifique et d’absence de normes démocratiques.

 Croyez-vous qu’il soit possible de corriger ces insuffisances et si oui, dans quel délai ?

 Le problème ne se pose pas en termes de délai, car il s’agit là d’un processus évolutif qui peut être long ou court, selon les dispositions à prendre. Tout dépend donc du niveau de prise de conscience générale et de la volonté que chaque acteur devra y mettre, si les conditions sont favorables. Et la première des conditions, c’est la qualité de l’environnement général. A ce titre, il est heureux de constater, au risque de me répéter que le pays est revenu à une situation de stabilité acceptable, avec en prime la démocratisation progressive du paysage audiovisuel depuis quelques années. Et je pense que le principal enjeu, à partir de cette stabilité, c’est d’amener les différents acteurs de la vie politique, du monde scientifique et des milieux médiatiques à s’engager dans une logique où chacun jouerait pleinement son rôle pour favoriser les débats. Car en effet, c’est à travers les échanges et la confrontation les unes aux autres que les idées et convictions, même les plus figées pourront évoluer en étant remises en question, reconsidérées et affinées pour s’adapter aux normes démocratiques. Et puisque nul n’est détenteur de la vérité absolue, je crois fermement que c’est à travers ces procédures de légitimation médiatique que les partis politiques les mieux organisés pourront tirer leur épingle du jeu, en se bonifiant progressivement avec des lignes idéologiques et des projets de Société personnalisés, plus lisibles et mieux adaptés aux exigences du développement intégral. Voilà, en mon sens, un certain nombre de clés qui pourraient permettre, dans un délai raisonnable et sans doute de façon durable, de venir à bout des tensions et violences politiques inutiles auxquelles nous ont habitués certains acteurs de la vie publique. La finalité c’est de parvenir à un système démocratique plus civilisé où la tolérance, le respect de la différence et le respect des institutions s’imposerait comme valeurs de référence. L’impression que vous laissez transparaitre, c’est que depuis l’introduction du multipartisme et malgré une pratique longue de plus de trois décennies, nous en sommes encore au point de départ, loin des promesses démocratiques qui en découlent.

Qu’est ce vous a amené à ce constat pessimiste ?

 Je pense que les difficultés qui minent les chances d’émancipation démocratique et de développement de nos jeunes Etats en général ne relèvent pas de la fatalité. Elles sont, avant tout, dictées par une conception encore trop partielle de l’activité politique. Ce qui pose fondamentalement le problème d’utilité de nos partis comme je l’ai déjà souligné à maintes reprises dans cette interview. Pour moi tout parti politique qui nait devrait pouvoir démontrer ses capacités à agir quotidiennement à la recherche de véritables solutions à tous les problèmes qui peuvent se poser à la Société, en abordant la politique dans une approche systémique et structurelle, avec une dose de rationalité suffisante . Cela implique un mode d’organisation interne performant, porté par des hommes et femmes aux compétences avérées et variées, ainsi que des ressources matérielles conséquentes. Or dans nos pays fraichement soumis aux exigences démocratiques, rares sont les formations politiques qui remplissent ces critères minimaux. Mais tout part surtout de la thèse généralement admise que la finalité pour tout parti politique est de « conquérir et d’exercer le Pouvoir ». A partir de ce postulat, il n’est pas étonnant que, pour accéder au Pouvoir, et en raison de leurs insuffisances organisationnelles, certains prennent le raccourci en usant de la démagogie et du populisme ou dans les cas extrêmes, en optant pour les coups de force armés. Dans un tel contexte, toute conception rationnelle présupposant une démarche intellectuelle dont est privée le plus grand nombre d’individus va donc demeurer minoritaire. Ce qui rend la Démocratie incompatible avec une politique réaliste et juste. Voilà en substance, ce qui contribue entre autres choses à ralentir le processus de démocratisation de nos sociétés et rend difficile le rôle utilitariste de nos partis politiques. Et plus longtemps ces obstacles résisteront au désir de changement, et plus long sera le chemin pour parvenir au modèle démocratique attendu de cette nouvelle expérience multi partisane.

Voulez-vous dire que les partis politiques qui ont pour certains déjà gouverné et qui, pour d’autres, gouvernent encore et qui ont tous un tant soit peu contribué au développement du pays ne remplissent pas toutes les conditions de leur utilité à la Société ?

C’est un peu excessif des voir les choses de cette manière, mais je dois préciser que malheureusement, depuis l’introduction du multipartisme, les notions de légitimité sociologique et surtout d’utilité n’ont pas suffisamment ou du tout été prises en compte dans la création et l’animation de nos partis politiques, comme l’impose notre passage de la Société traditionnelle à la modernité. Car une Société comme la nôtre, en pleine évolution avec ce que cela comporte de complexification progressive de son fonctionnement, et où tout reste encore à inventer pour bâtir une vraie Nation, il était d’abord nécessaire d’établir la différence entre la notion de modernisation et la notion de développement intégral dans sa dimension humaine plus particulièrement. Le processus de modernisation est celui dans lequel nous sommes engagés aujourd’hui, avec son lot de mimétisme social dû à l’importation massive des technologies et les habitudes de consommation hybride qui y sont attachées. Ce qui est différent du développement intégral qui lui est un processus plus exigeant, dans lequel l’Etat, la Société, mais plus particulièrement les partis politiques ont beaucoup plus à faire qu’ailleurs pour transformer les consciences au rythme des évolutions souhaitées. Sur ce plan, on peut affirmer que les résultats espérés ne sont pas insatisfaisants. Il suffit d’un regard, par exemple, sur les crises sociopolitiques récurrentes et leur incidence négative sur les relations sociales pour s’en convaincre. Pour moi, les Partis politiques en arrière-plan des gouvernements respectifs auraient été mieux inspirés et plus utiles, si, dès leurs naissances, ils avaient pu saisir, en amont des pratiques démocratiques, le caractère hautement sensible de nos diversités ethniques et religieuses, et avaient su en faire, à partir de leurs propres expériences en interne, un riche brassage au service du développement du pays. C’est en ce sens qu’ils ont, je crois, failli à leur mission de d’éducation du peuple au vivre ensemble. Car un peuple insuffisamment éduqué et privé de conscience peut dans son écrasante majorité faire des choix contre ses propres intérêts. Or l’aspiration suprême de tout peuple est de vivre dans un environnement stable et paisible, propice à son épanouissement. A condition d’être lui-même doté d’un minimum de conscience, d’abord pour sa propre survie, ensuite pour le respect des autres et enfin pour l’édification et la préservation d’Institutions justes et crédibles.

Et pensez-vous que les jeunes générations auront les aptitudes pour corriger ces « erreurs » de parcours avec la création de nouveaux partis comme le COJEP de Charles Blé Goudé et le GPS de Guillaume Soro et le MGC de Simone Gbagbo ?

 Je suis convaincu que l’arrivée de ces nouveaux partis, dans la sphère politique nationale viendra en rajouter au gâchis que je fais observer en termes de dispersion de nos moyens déjà très limités. Un petit pays d’à peine 26 millions d’habitants comme la Côte d’Ivoire ne peut pas se payer le luxe de continuer à enregistrer autant de nouveaux partis politiques quand on sait qu’individuellement, ces partis ne peuvent rien apporter de plus au niveau de leur poids électoral, mais aussi pour ce qui est de la qualité des projets de Société. Parce dans la majorité des cas, ils n’en auront pas les moyens humains et techniques, si ce n’est de rechercher de la visibilité en se prêtant au traditionnel jeu de coalition sans grand intérêt pour la Nation. Mais je me garderai de préjuger de l’avenir de ces partis politiques dans ce contexte de faible niveau de conscience où souvent les choix politiques n’obéissent pas à tout ce qui relève du domaine de la rationalité.

Et que dites-vous de cet autre parti, le PPA CI de l’ancien Président Laurent Gbagbo, créé il y a environ un an ?

L’observation que j’ai faite sur les autres partis naissants s’applique également au PPA-CI, à savoir que la multiplicité des partis politiques est un gâchis. Cela dit, je suis comme beaucoup de mes compatriotes en observation, attendant de voir ce que ce parti créé par un ancien Chef d’Etat pourra offrir de différent et qui pourrait le rendre intéressant et surtout utile à la Société Ivoirienne. Mais déjà, je peux dire que la création du PPA-CI est le signe d’un échec de parcours, assimilable à un reniement. C’est-à-dire le reniement d’un passé peu glorieux avec lequel on veut rompre totalement, à tous prix et peut-être définitivement. En observant bien les actes posés par Laurent Gbagbo, depuis son retour de la Haye, on se rend bien à l’évidence que l’Ex chef de l’Etat veut se faire une virginité politique en se débarrassant de tout ce qui peut gêner ou qui, à un moment donné, a pu contribuer à écorner son image plus particulièrement à l’international. Et j’en veux pour preuves, trois exemples : premier exemple, c’est l’annonce fracassante de son divorce avec son épouse « camarade », co-fondatrice du FPI, Simone Gbagbo qu’il trouve désormais un peu encombrante. Deuxième exemple, l’abandon aux mains de son ancien Premier Ministre Affi N’guessan, et sans motif idéologique apparent, un FPI mal perçu depuis quelque temps par la gauche internationale en particulier. Ce qui à l’époque, lui avait valu d’être lâché par ses amis du Parti socialiste français, ceux-là mêmes qui l’ont encadré, soutenu et aidé à accéder au Pouvoir en octobre 2000. Le troisième exemple, c’est la dénomination explicitement évocatrice de ce parti, qui vient parachever la démarche de Monsieur Gbagbo et qui montre clairement qu’il veut changer de cap, tourner le dos à ce passé marqué par du « bricolage idéologique » et par une gouvernance un peu chaotique. Mais le problème qui se profile à l’horizon c’est comment le PPA-CI, en se proclamant opportunément panafricaniste avec une ouverture aux autres peuples d’Afrique, pourra-t-il s’accommoder de ces idées et pratiques peu orthodoxes, profondément ancrés dans les esprits de ses partisans qui ne manquent aucune occasion pour associer a un non ivoirien, à l’étranger, toute personne qui, selon eux, n’est pas issu d’un village de Côte d’ivoire, ne porte pas un nom attaché au terroir, ou ne partage pas leurs convictions. Cette question est fondamentale et mérite d’être soulevée pour mettre en lumière les ambiguïtés entretenues du côté de nos frères de la gauche opportuniste, abonné à un panafricanisme occasionnel de commande.

 Ce genre de positions ou propos ne peuvent pas être attribués à des Responsables de ce Parti ?

Peut-être non, mais vous savez, dans ce cas de figure, le petit peuple auquel vous faites allusion implicitement n’est que le prolongement de celui ou ceux qu’il représente sur le terrain politique. Par ses actes et propos, ce petit peuple ne fait que restituer les idées et concepts dont il été nourri durant des années par des moyens divers. Ce qui, me semble-t-il, est tout à fait légitime, mais alors il faut avoir le courage de l’assumer.

La création de ce parti en dissidence avec le FPI change-t-elle quelque chose, selon vous, sur l’échiquier politique national ?

 Fondamentalement non sur le plan interne. Car au niveau interne, la masse militante demeure la même pour les deux Partis, le FPI et le PPA-CI. Sauf que cette masse militante s’en trouve aujourd’hui scindée en deux groupes qui deviennent automatiquement des adversaires politiques. Cependant sur le plan national, cela devrait, en mon sens, donner lieu logiquement à quelques bouleversements. Parce que la création de ce nouveau parti, au regard de sa dénomination même, devrait entrainer une nouvelle configuration du champ politique en termes de positionnement ou de repositionnement identitaire et de pratique. Si aujourd’hui M. Laurent Gbagbo et ses partisans affichent clairement leur proximité avec les autres peuples africains, cela veut dire que les discours et attitudes discriminatoires dont ils étaient coutumiers hier à l’égard des ces non ivoiriens et assimilés vont désormais évoluer vers un peu plus d’humanisme. Ce qui devrait en principe amener alliés et adversaires, à rabattre les cartes et à se déterminer par rapport à certains principes, si tant est que leur existence et leurs modes d’organisation obéissent véritablement à des principes conformes à leurs croyances et non à un mimétisme idéologique.

 En tant que militant du RHDP, que dites-vous de la santé de votre parti ?

Le RHDP se porte bien au regard des critères d’appréciation de sa force électorale, puisqu’actuellement le parti est crédité du plus fort taux de représentation aussi bien dans les deux chambres parlementaires, dans les Régions que dans les Communes de Côte d’Ivoire, même s’il faut quelque part déplorer le faible niveau de participation aux dernières élections pour une partie de l’opposition. Mais il n’y a pas de quoi rougir, car cela fait partie des règles du jeu en matière de compétition électorale : plus souvent on est absent à différents scrutins et peu souvent on sera présent sur le terrain de la mobilisation des adhérents et des électeurs. En tous les cas, sur ce point précis, le RHDP a beaucoup appris de l’expérience du défunt RDR. C’est pourquoi il peut, à quelque chose près, se targuer d’être un grand Parti en avance sur les autres.

Et pourtant, malgré la bonne santé du Parti comme vous le dites, le RHDP en tant que parti unifié vient d’expérimenter pour la première fois, son système électoral interne dans les départements avec des actes de violence qui, de mon point de vue, n’honorent pas le Parti présidentiel. Qu’en dites-vous ?

Oui, cette situation est déplorable, mais comme vous l’avez souligné dans votre question, c’est un premier test depuis la création du RHDP, et j’espère que cela permettra de tirer les leçons qui s’imposent pour une meilleure organisation aux prochaines échéances. Cependant, je dois avouer qu’à divers niveaux du mode d’organisation interne, il reste des choses à parfaire. Car pour un Parti qui fait sa mue, passant de la phase de groupement à l’unité de destin, il y a beaucoup d’efforts à faire dans son organisation. Cela demande la mise en place de stratégies pour mobiliser ou remobiliser tous les militants, tant sur le plan quantitatif que sur le plan mental, sans oublier qu’il est primordial de définir et propager les contenus de son action politique. C’est pourquoi je salue l’initiative de restructuration qui a abouti à l’élection des Secrétaires départementaux. Toutes ces actions ont été menées pour répondre à deux défis majeurs : d’abord cela fait partie des exigences de fonctionnement normal de toute formation politique qui se veut responsable. Mieux, ces actions permettent au parti de faire face aux nouveaux enjeux nés de l’arrivée des partis fraichement créés et ce que cela peut logiquement entrainer de réorganisation éventuelle de l’opposition. Dans un cas comme dans l’autre, le parti houphouetiste a besoin d’évaluer ses forces, identifier et corriger ses faiblesses pour mieux se redéployer. Ces conditions sont nécessaires pour maintenir son statut de Parti leader. Et c’est une bonne chose car ce qui caractérise un grand parti politique, c’est sa capacité à se remettre constamment en cause dans un environnement politique et social en perpétuelle mutation. Mais il me semble important aussi, au vu de son statut de parti véritablement unifié, que le RHDP réadapte son mode d’organisation à la nouvelle configuration de son capital militant.

 Certains analystes avancent que, n’ayant pas réussi à mettre en place un Parti véritablement houphouetiste, le Président Ouattara veut remettre le RDR en marche. Quelle lecture en faites-vous ?

Ces analystes sont libres de leur opinion, mais ce que je crois, c’est qu’ils n’ont pas bien compris la démarche du Président Ouattara. Dans le processus de création du RHDP, il est vrai qu’au départ, les différents partis membres de ce groupement, le RDR y compris, ont voulu conserver leurs identités propres. Mais pour le Président Ouattara, cette option ne devait durer que le temps des élections prévues pour 2005, et qui n’ont malheureusement pas pu se tenir à bonne date pour les raisons que nous connaissons tous. En réalité la position du Président Ouattara, à laquelle nous autres avons adhéré dès le départ, c’est que, d’une part, tous les adeptes de « l’Houphouetisme » unissent leurs forces et mobilisent le maximum d’ivoiriens autour de cette valeur d’hospitalité qui caractérise la Côte d’Ivoire et qui fait sa singularité aux yeux du reste du monde. Stratégiquement, cette démarche avait pour finalité, en regroupant tous ces partis déjà implantés dans les cinq grands pôles géographiques (le Sud, le Centre, l’Est l’Ouest et le Nord), non seulement de renforcer la légitimité sociologique du RHDP, mais aussi de prévenir les risques de déflagration sociale, en rapprochant à l’intérieur du RHDP, les différentes composantes de la Société ivoirienne les unes des autres, dans un élan de reconnaissance mutuelle, en vue d’une cohésion militante, consciente et, de ce fait, durable. C’est aussi un moyen de combattre des « contre valeurs » ambiants comme le repli identitaire, le nationalisme extrémiste et la xénophobie. Aujourd’hui nous observons que le but est en voie d’être atteint, d’autant plus que ces derniers temps, une tendance générale semble se dégager de plus en plus en faveur de l’ouverture aux autres, de la tolérance et du vivre ensemble. Et j’espère que cela pourra contaminer l’ensemble des organisations et communautés pour le bonheur de tous. Mais au-delà des considérations d’ordre social, la vision politique Président Alassane Ouattara à plus long terme, c’est de regrouper progressivement l’ensemble de la classe politique nationale autour de deux grands pôles idéologiques mieux outillés et plus performants: l’un, défendant les idées et pratiques de droite et l’autre, défendant celles de gauche.

Au-delà de sa bonne santé, certains prédisent déjà l’implosion du RHDP après le Président Ouattara, compte tenu, selon eux, des querelles de positionnement parfois centrées sur des considérations régionalistes dans le choix des leaders des différentes structures du Parti. Qu’en pensez-vous ?

 Avant tout, il faut faire confiance au Président Ouattara pour léguer en héritage aux futures générations militantes, un parti soudé et davantage conquérant. Ce qui, bien entendu, impose, de la part des l’équipe exécutive, l’impérieux devoir de revisiter et de corriger les insuffisances susceptibles de ruiner les chances de survie du Parti. Dans cette perspective, certaines conditions restent à satisfaire pour maintenir au moins intact le niveau d’engagement des militants et sympathisants. En premier lieu, il y a les difficultés liées système relationnel qui est certes un mal commun à tous les partis politiques, mais qui dans le cas du RHDP se posent avec d’autant plus d’acuité que le parti est actuellement dans un processus d’unification où les militants issus des différents partis du groupement doivent expérimenter les dures règles du vivre ensemble. Deuxièmement, il faut faire en sorte que le mobile d’adhésion jusqu’ici essentiellement axé sur la personnalité du leader, soit désormais recentré sur l’organisation proprement dite, en renforçant davantage le sentiment d’appartenance à la même formation. Car, de la survie du parti dépendra la prise en compte ou non de la voix de tous les militants sans exclusive, quels que soient leurs appartenances ethniques ou religieuses et leur statut social. Ce qui suppose la mise en avant du bénévolat comme élément central du militantisme pour accorder à chaque militant et à chaque sympathisant, l’attention qu’il mérite, afin de maintenir un bon niveau d’engagement de l’ensemble. Troisièmement, il est impérieux de faire en sorte que les frustrations ressenties par certains militants pour multiples raisons, les guerres de positionnement qui souvent tournent à l’avantage des plus habiles manipulateurs, au détriment des militants honnêtes, compétents et engagés, etc., trouvent des solutions définitives. A côté de ces questions d’ordre purement humain, il faudra songer à définir les contenus de l’action politique du Parti en guise d’arguments institutionnels à l’usage des militants dans leur conquête de nouveaux adhérents ou d’électeurs pour les échéances à venir. A l’image des grandes qualités managériales de son Président, le RHDP est condamné à réussir le pari d’une organisation achevée qui permette de garder le cap de son leadership, même après l’inévitable retraite politique du Président Ouattara.

 Comment voyez-vous les élections à venir pour le RHDP en 2025, avec l’éventuelle coalition PDCI- PPA-CI ?

 Vous savez, dans une coalition où les différents acteurs n’ont pas grand-chose en commun et dans laquelle le seul objectif est de combattre un adversaire non pas pour des raisons idéologiques ou politiques en lien avec le bilan de sa gouvernance, mais juste pour ce qu’il représente en tant qu’individu, il arrive souvent que les choses tournent mal lorsque vient le temps de la gestion commune du pouvoir acquis. Et les exemples sont légion pour l’attester. A cet égard, concernant le PDCI et le PPA-CI, tout le monde sait l’inimitié que les deux leaders, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo vouaient l’un pour l’autre dans un passé récent. Donc il faut attendre de voir jusqu’où ils pourront aller. Mais autant vous dire tout de suite que cette coalition ne peut à maints égards, effrayer le RHDP dans la perspective des élections à venir. Car le parti, en tant qu’instrument politique du Gouvernement, a des arguments pour convaincre. Son bilan de cette dernière décennie, sans compter ce qui se prépare pour les années à venir, devrait suffire pour faire la différence. Reste à définir des stratégies spécifiques, compatibles avec les profils des différentes cibles qu’il faut identifier et traiter pour élargir la base électorale du Parti.

Le Député Assalé Tiémoko a annoncé sa volonté de faire une proposition de loi à l’ouverture de la session 2022, portant sur la retraite politique à l’âge de 75 ans. Qu’en pensez-vous ? 

L’idée de ce projet depuis qu’elle a été portée sur la place publique divise les ivoiriens non pas pour l’analyse juridique que les gens en font, mais plutôt pour la qualité des personnalités visées implicitement. Objectivement, je pense que ce projet n’est pas assez pertinent, dans la mesure où, si la Loi était votée, elle pourrait priver de nombreuses personnes de 75 ans, aptes intellectuellement et physiquement, d’exercer leur droit de citoyen et si, de surcroît, ces personnes ont les compétences liées à la fonction en objet. Je prends l’exemple du Président Alassane Ouattara qui, à 80 ans révolus, n’a jamais été aussi actif dans sa fonction de Chef de l’Etat, et je pense que sur ce registre, il n’est pas le premier et ne sera peut-être pas le dernier. Pour moi le problème se trouve ailleurs, en dehors de la capacité reconnue à ces trois grands de la politique ivoirienne, les Présidents Ouattara, Konan Bédié et Gbagbo, à susciter les passions mobiliser les foules. Je ne suis donc pas certain que leur sortie de la scène politique règlerait les problèmes qui opposent leurs partisans respectifs, ainsi que les communautés ethniques qui leur sont attachées. Même si leurs noms ont cristallisé les conflits, les causes de ces conflits restent encore une réalité dans les esprits. C’est pourquoi il faut s’attaquer à la racine en privilégiant les procédures de discussions médiatiques contradictoires, pour que les certitudes parfois mal fondées des uns sur les autres, les incompréhensions et malentendus à l’origine des réflexes de défiance, de violence verbale et physique etc., soient levées pour faire place à la culture de l’humilité et du respect mutuel qui sont sources de cohésion et de paix. A partir de là, la Loi sur la limitation de l’âge de la retraite politique, selon moi, n’est que partie de la solution, mais pas la solution. Il faut donc que les acteurs politiques, associés aux médias de masse, s’engagent sur cette piste pour trouver les solutions idoines.

Quelle est votre conception de la politique et comment appréciez- vous sa pratique en Côte d’Ivoire ?

Par sa définition originelle, la politique se conçoit dans la capacité d’un individu ou d’un groupe d’individus à étudier la Société en vue de la connaitre, aux fins de mieux la transformer. C’est à partir de cette conception qu’en principe, la Société devrait être organisée dans sa globalité. Cela commence par l’individu comme vous et moi, membre d’une cellule familiale ; membre de la communauté du quartier où il habite ; membre de la communauté régionale ou ethnique dont il est issu ; membre de la communauté nationale à laquelle il appartient de naissance ou d’adoption ; membre du milieu professionnel où il exerce. A l’intérieur de chacun de ces cadres d’appartenance, le moindre acte que nous posons, dans un sens comme dans un autre, additionné à d’autres actes pris dans un cadre élargi, a obligatoirement une influence sur la vie de la collectivité tout entière, de sorte qu’il peut, au plan local ou national, infléchir une mesure gouvernementale. A ce même titre, les collectivités privées ou publiques, les groupements associatifs de tous genres, etc., sont tous des « agents dits politiques » dont les rôles, aussi minuscules peuvent-ils paraitre, sont comptables de l’état d’une Nation à un instant T. Enfin, vous avez les partis politiques dont la mission principale est d’exploiter à des fins d’identification et de mise en perspective en guise de projets de Société, selon leurs systèmes de croyances et de convictions, les idées, connaissances et expériences issues du corps social. La finalité c’est de contribuer tous, consciemment ou inconsciemment, à la transformation de la Société globale, soit en tant que civils (personne physique ou morale), à travers des les attitudes et comportements appropriés, soit en tant que qu’organisations politiques, au moyen de propositions contradictoires publiques, ou en tant que gouvernants par la mise en en oeuvre d’un programme dédié. Cette conception de la politique ainsi synthétisée, a le mérite de rendre plus aisée la pratique politique, en sens qu’elle peut permettre aux partis politiques principalement, tout en évaluant en permanence leurs potentialités, de rechercher les moyens, de corriger les insuffisances à l’issue de chaque compétition électorale. Mais d’un autre côté, si elle est admise par l’ensemble, développée et partagée au plus grand nombre, cette définition devrait permettre à chaque acteur-citoyen de pouvoir saisir l'importance de son rôle dans la Société, et après avoir identifié ses intérêts spécifiques, de faire les meilleurs choix pour sa vie et pour celle des générations futures de proximité. Peut-être parviendrons-nous, de cette manière, à vaincre les phénomènes d’incivisme et autres pathologies sociales qui contribuent fortement à freiner notre élan vers le progrès, en donnant ainsi à la politique sa conception la plus pragmatique et faciliter sa pratique quotidienne en Côte d’Ivoire. Le défi peut paraître utopique, mais s’il est soumis au dépassement de chacun, il peut être relevé collectivement. Entretien réalisé par ZIAO Hamidou

« Par H. ZIAO Qui va porter le Chapeau ?

Interview / Lutte contre la corruption, 49 soldats au Mali, détention de la Pdte de ACI/Diomandé Adama (Pdt ADDL

 Le président de l’ADDL (Association pour la Défense de la Démocratie et des Libertés), Diomandé Adama, par ailleurs conseiller du ministre Zoro Bi Ballo, s’est prononcé sur l’actualité nationale et internationale. Et appelle à une prise de conscience générale.

Vous êtes dans un ministère qui fait la promotion de la bonne gouvernance. Mais ne croyez-vous pas que la bonne gouvernance passe aussi par le civisme ?Je fais allusion aux mesures prises par le Gouvernement concernant les chauffards. Pourquoi n’aviez-vous pas pensé à cela, et que vous inspire cette décision ?

La lutte contre l’incivisme et la lutte contre la corruption et la bonne gouvernance est un travail de longue haleine et un travail d’éducation. La corruption est la gangrène de l’économie d’un pays. Et elle est en train de faire partie de l’ADN des Ivoiriens. Ils oublient que c’est un cancer pour toute la population. L’incivisme aussi est le frère jumeau de la corruption. On sait qu’on peut faillir sans crainte de représailles, car on peut corrompre. L’autre pan de la chose, c’est que les Ivoiriens pensent que l’impunité est la règle générale. D’où la création de ce ministère par le président de la République. Un ministère très sensible, qui doit avoir de la détermination, avec quelqu’un d’intègre à sa tête. Je suis donc heureux d’être aux côtés du ministre Zoro, pour l’aider dans ses actions de tous les jours. Pour revenir au permis de conduire, l’acquisition de ce sésame n’est pas faite dans les règles de l’art. Les permis de conduire sont presque achetés, et cela nous cause d’énormes dégâts, aux plans humain et économique. Je salue donc la détermination du président de la République et du gouvernement qui vise à combattre ce phénomène. Je vous prends aux mots, vous avez dit que l’incivisme est une gangrène tout comme la corruption. En ce moment, il y a une affaire de disparition de 17.000 tonnes de gaz butane qui secoue la Petroci. La Direction générale de cette entreprise a produit un communiqué dans lequel elle a mandaté un cabinet d’audit pour faire la lumière.

A votre niveau, est-ce que vous envisagez faire vos propres enquêtes ?

D’après ce que le ministre m’a dit, notre ministère, lui, sort les affaires qu’il va lui-même chercher. Il y a un ministère de la justice, il y a un procureur de la République, il y a des enquêtes qui sont menées. Ces affaires-là ne tombent pas comme cela sur la table. Il y a un travail préalable qui est fait, et c’est cela le travail du ministère de la Promotion de la Bonne gouvernance, du Renforcement des capacités et de la Lutte contre la corruption.

 Mais est-ce que vous-vous en êtes saisi ?

 Je ne puis vous le dire (rires). Mais ce que je sais, vous avez sans doute eu écho, sinon participé à la création du SPACIA. Qui est une plateforme, un outil formidable de dénonciation de la corruption. Vous savez, il y a des Ivoiriens intègres partout, qui n’acceptent pas la corruption. C’est à eux que cette plateforme est destinée.

SPACIA, pour ceux qui ne connaissent pas, qu’est-ce que c’est ?

C’est une plateforme de dénonciation des actes de corruption et infractions assimilées dénommée SPACIA, mise en place le mercredi 13 avril 2022 à Abidjan, à l’issue du Conseil des ministres. Le SPACIA (Ndlr : Système de Prévention des Actes de Corruption et Infractions Assimilées) intègre un numéro vert et une plateforme informatique, avec pour missions de recueillir les dénonciations, les signalements ou alertes des cas de corruption et infractions assimilées, et de procéder à leur traitement.

Intéressons-nous maintenant à la situation des 49 soldats ivoiriens incarcérés au Mali. Pourquoi, selon vous, les négociations coincent ?

 D’abord, il faut dénoncer les coups d’Etat. Assimi Goïta a fait un coup d’Etat inutile et nocif pour son pays et pour l’Afrique de l’ouest. Assimi Goïta a été un haut gradé du système IBK. Et dont tous les reproches faits à feu l’ancien Président IBK lui sont imputables. Il fait deux coups d’Etat pour remplacer un chef d’Etat démocratiquement élu, en prétextant qu’il a été incapable de juguler le terrorisme. Mais ce qui se passe aujourd’hui au Mali est pire que sous l’ère d’IBK. Et les Maliens doivent être raisonnables. Nous ne sommes plus dans un combat colonial. Nous sommes dans un combat de développement. En soixante ans, soixante-deux ans pour d’autres, nous avons formé des intellectuels qui peuvent développer l’Afrique. Notre priorité n’est pas un combat de colonisation contre la France. Nous ne cherchons plus des protecteurs parce que nous pouvons nous défendre nous-mêmes. L’exemple de la CEDEAO est là. Je veux dire par là que les Maliens ne doivent plus se laisser manipuler politiquement. Nous sommes un continent qui aspire au développement, et le Président Alassane Ouattara est en train de donner l’exemple dans notre sous-région ouest-africaine. On reproche au président de la République, à travers lui, à la Côte d’Ivoire, de ne pas soutenir un coup d’Etat inutile, c’est incompréhensible. Et moi je soutiens la position du président de la République, qui est une position courageuse et qui protège la population vulnérable malienne. Cela se remarque dans les sanctions prises par la CEDEAO, où les chefs d’Etat ont tout fait pour atténuer les conséquences sur la population. Il y a des politiciens qui ont fait de la récupération, et aujourd’hui, cela se retourne contre eux. Quel pays sérieux au monde, pendant sept rotations, n’a pas su que la Côte d’Ivoire a une coopération avec la Munisma pour sécuriser une partie du Mali.

Suite à cette affaire, la présidente de l’organisation ‘‘Alternative citoyenne ivoirienne’’ (Aci), Pulchérie Gbalet, a été arrêtée et déférée. Des mouvements de la société civile réclament sa mise en liberté. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Je suis moi-même défenseur des droits, et pour moi, la liberté est non négociable. Et je me bats pour cette liberté. Quand on se bat pour la liberté, il faut être juste. Je suis par ailleurs membre d’un parti politique. Ceux qui disent appartenir à la société civile, et qui ne font pas la politique, se foutent du monde. Moi, je n’ai pas besoin de masque, ni de cacher mes convictions. En se mettant au service de la junte et en s’associant à un parti dissout en Côte d’Ivoire – je veux parler de GPS – c’est une manière de mettre le feu à notre pays. Quelle est cette citoyenne, patriote, qui se déplace pour aller dénigrer son propre pays à un moment difficile, conflictuel, aux plans diplomatique et militaire, avec un pays voisin. Quelle est cette dame de la société civile qui prend parti pour un autre pays dans un conflit qui engage son propre pays. Elle rencontre des personnalités qui ne se cachent pas d’être des responsables de GPS au Mali. Et sachant très bien qu’un conseiller spécial de l’ex-Premier ministre est allé dénigrer et soutenir la position de la junte malienne. Mais ce que le président de la République défend, c’est la dignité de la Côte d’Ivoire, qui est plus importante qu’Alassane Ouattara lui-même. Donc ce n’est pas Pulchérie Gbalet qui va piétiner ces principes. Elle peut se cacher derrière les appellations Société civile et tout ça, mais avant d’être Société civile, elle est ivoirienne d’abord, et elle doit défendre la Côte d’Ivoire face à n’importe quelle situation. Quand elle revient du Mali, elle tient des propos inqualifiables. Elle dit que c’est le Mali qui a raison…, les Ivoiriens agressent les maliens en Côte d’Ivoire…

 Pourtant il n’y a pas eu une seule agression de Maliens en Côte d’Ivoire. Qu’est-ce qu’elle veut ?

Je pense que cette dame a exagéré. Et les organisations de la Société civile qui la défendent, je pense qu’elles ne le font pas sur le fond. Par contre, Dr Boga Sacko, membre de la Société civile, avec qui j’ai de grandes divergences, a, lui, pris la peine d’aller au ministère de la Défense pour s’imprégner de ce dossier. C’est à sa sortie d’audience qu’il a fait un communiqué. 

Pour vous, la justice doit donc suivre son cours ?

La justice doit poursuivre son cours. Par contre, ce qui me peine dans cette affaire, c’est qu’elle a atteint son but. Mettre le gouvernement dans l’embarras au plan international. Mais je pense que le gouvernement a montré que personne n’est au-dessus de la loi. Je salue le fait que le gouvernement a mis le holà. Mais comme elle ne pèse rien sur le plan de l’opinion publique, je plaide qu’on la sorte de la MACA et la mettre en résidence surveillée. Le fait de montrer qu’il y a une limite à ne pas franchir est une bonne chose. Le Président Alassane Ouattara défend la Côte d’Ivoire d’abord, au-delà des autres principes.

Le Rhdp est en pleine restructuration. Un nouveau Directeur Exécutif, un nouveau Secrétaire Exécutif, de nouveaux Secrétaires départementaux élus, une première en Côte d’Ivoire.  Quelle lecture faites-vous de cette mutation qui se passe au sein de votre parti ?

J’étais à l’extérieur, mais je suis de retour depuis un moment dans mon pays. Je constate l’évolution de mon parti politique. Au-delà du parti politique, je vais dire que je suis d’abord ‘’Alassaniste’’. L’évolution démocratique au sein du Rhdp est un débat. Il faut pouvoir inculquer le débat démocratique au sein de nos partis politiques. Il faut pouvoir mettre dans l’ADN des partis politiques, notamment le Rhdp, le débat interne. La confrontation démocratique interne. Si dans un parti politique on arrive à soumettre au vote ceux qui veulent diriger ce parti, il n’y a pas plus démocratique que cela. Au départ, certains ont cru que c’était pour opposer les uns aux autres. Je vous donne l’exemple du ministre Zoro, dans la localité de qui il y a eu trois listes. Les gens avaient fait croire que les militants ne s’entendaient pas à Sinfra. Mais j’ai suivi ces élections de Sinfra, le ministre étant en mission. Ça été une élection propre. Et chacun des acteurs a compris que c’est ce qu’il faut. Si le ministre était intervenu pour trouver un consensus mou, celui qui allait être désigné serait fragilisé, et ça ne résout pas le problème du leadership. Car ce sont les militants de base qui ont décidé de celui qui les dirige, et c’est cela un parti démocratique.

 En 2023, il y aura des élections. Quelles sont les forces du Rhdp face à une opposition qui, tant bien que mal, essaie de s’organiser ?

Et que répondez-vous à des militants de cette opposition qui disent que ‘‘le Rhdp compte sur le découpage électoral pour pouvoir remporter ces élections’’ ?

L’opposition joue son rôle d’opposant. Ce sont des exercices que moi j’aime bien, à partir du moment où on reste dans le débat et le jeu politique. Un découpage n’arrange jamais un parti politique. Le découpage est fait, c’est la capacité de votre parti à pénétrer ce cercle découpé qui fait votre force. On réunit ses forces au sein de là où on est. Le Rhdp a cette capacité. Le Rhdp est devenu un parti national. Le président de la République, président du Rhdp, a consolidé un parti national. Et c’est ce qui fait peur à l’opposition, notamment le camp Gbagbo PPA-CI. J’étais en Europe quand on a dit que Gbagbo rentrait. A l’époque, j’avais dit que c’était un épiphénomène. Mais je m’en félicite. Le constat de tous les Ivoiriens aujourd’hui est le même. C’est ça la force politique du président de la République, il ne fait pas de déclaration, mais ses actes parlent en sa faveur. Et le travail d’Alassane Ouattara est sa propre communication. 

Dans le même élan, il y a Koné Tehfour, pro-Soro, qui disait dans une déclaration que ‘‘la seule politique du Rhdp, c’est la division’’. Votre commentaire ?

Koné Tehfour ne pèse rien lui non plus. Il n’a que sa parole et le mensonge. Il a dit qu’on lui aurait proposé des milliards de francs pour ne pas être candidat à Abobo. Je ne sais pas qui va aller gaspiller des milliards pour le dissuader d’être candidat. Vous savez, le Rhdp a compris que le mode de fonctionnement de ces gens-là, c’est la provocation. Avant oui, mais maintenant, on ne leur répond même plus, et je crois que c’est la meilleure réponse. Les personnes les plus intelligentes dans leur camp ont compris qu’il ne fallait plus continuer dans ce sens, et sont soit revenues au Rhdp, soit sont neutres. Ceux qui continuent à mentir et qui travaillent contre leur pays, les Ivoiriens les jugeront. Comparaison n’est pas raison, mais voyez aujourd’hui le camp de Blé Goudé et celui de Soro. Je ne soutiens pas Blé Goudé, mais le constat de la vérité est que Blé Goudé est politiquement plus mature que Guillaume Soro. Ses déclarations, même si je ne les partage pas, donnent à réfléchir. Il fait son mea culpa. Et il veut rentrer dans le jeu démocratique de son pays. Il n’est pas revanchard, il se bat pour se faire une place. Le combat politique, ce n’est pas de dire j’ai droit à ceci, j’ai fait cela. Quand on mène une action politique, on le fait par conviction. Au sein d’un parti politique, il peut avoir des ambitions personnelles. Qu’ils s’assument, ceux qui empruntent les voies tortueuses. Mais on ne les laissera pas mettre le désordre en Côte d’Ivoire.

A l’occasion de son discours à la nation, le 6 août dernier, le président de la République a fait plusieurs annonces dont l’amélioration des conditions de vie des fonctionnaires et agents de l’Etat, là où on crie à la crise économique. Quelle explication ?

C’est le miracle d’Alassane Ouattara ça ! Alassane Ouattara n’est pas dans l’émotion. Il est dans le travail. Et ce qu’il a fait est le fruit d’un travail. Depuis qu’il a pris la tête de la Côte d’Ivoire, le pays n’est jamais tombé en récession. Tous ces travaux qui couvrent notre pays, aujourd’hui, ont été bien planifiés. Souvenez-vous, au début de sa mandature, les gens disaient que l’argent ne circule pas. Il a répondu pour dire que l’argent travaille. C’est parce que l’argent a travaillé que la Côte d’Ivoire est le seul pays au monde à faire une évolution salariale au bon moment. Même si ça ne se limite qu’aux fonctionnaires et agents de l’Etat, la Côte d’Ivoire crée ainsi les conditions même pour le privé, pour qu’il suive cet exemple. C’est parce que le Président a su fructifier l’argent du contribuable. J’ai été heureux de voir les syndicats annoncer une trêve. Rares sont les pays au monde qui ont ça. Le Président Alassane Ouattara est l’exemple même des Africains qui veulent rentrer dans le monde moderne.

Alors que vous parlez de résultat du travail bien fait, le sénateur Jean-Baptiste Pany, lui, bat en brèche votre thèse, affirmant, au sujet de la dette souveraine, que la Côte d’Ivoire va droit dans le mur…

 Il y a des économistes comme ça, qui sont contre le franc CFA, qui sont panafricains et souverainistes. Dans ce cas, l’Amérique va disparaitre. La France aussi. Parce que la Côte d’Ivoire est l’un des pays au monde qui surveille sa dette. Aujourd’hui, la dette de la France est plus élevée que les acquis qu’ils ont. Mais c’est une question d’intelligence. Revenons au plan individuel. Qui se lève aujourd’hui aller acheter sa voiture en cash ?

Il n’y en a pas beaucoup. Quand on sait gérer ce qu’on a, on prend le crédit en fonction de sa capacité de gestion. Ceux qui nous font les prêts savent que la Côte d’Ivoire est en mesure de rembourser la dette qu’elle contracte. Mais ces économistes souverainistes, on ne les entend plus, car la zone Umoa, en Afrique de l’ouest, est la plus stable économiquement, avec le franc CFA. Prenons l’exemple même de la Côte d’Ivoire qui, à un moment difficile, le président de la République a fait des augmentations salariales. C’est cela un chef d’Etat visionnaire. La dette peut durer 10 ans, 20 ans ou 30 ans, mais avez-vous déjà vu des huissiers venir saisir les biens d’un pays ou fermer ses activités ? Il faut savoir utiliser l’argent qu’on te donne. C’est pour cela que nous souhaitons la continuité de la politique du Président Alassane Ouattara dans la stabilité. Les Ivoiriens ont compris que c’est dans la stabilité et la continuité que la Côte d’ivoire restera le pays phare de la sous-région.

Au terme de notre interview, quel est votre mot de fin ?

Nous traversons des moments difficiles avec le djihadisme, doublé en cela avec des relations complexes avec notre voisin, le Mali. Je salue la modération du président de la République dans cette crise. Je salue la discipline et le sang-froid des Ivoiriens qui ont écouté le chef de l’Etat. Ce qui importe les Ivoiriens, c’est la paix dans la sous-région, parce que nous incarnons réellement l’intégration africaine. Et c’est un acquis que nous devons préserver. Les Maliens le savent, ils ont intérêt à garder cette paix et cette fraternité avec la Côte d’Ivoire. Ç’aurait été un autre président, avec l’agitation des putschistes, nous en serions à un stade regrettable de nos relations. C’est une fierté pour moi d’être partisan d’Alassane Ouattara.

Réalisée par Aymar Dedi

Tiémoko Meyliet KONE : ‘’Notre Banque centrale est reconnue comme une institution moderne, efficace et crédible à l’échelle internationale ’’

 Aujourd'hui, notre Banque centrale est reconnue comme une institution moderne, efficace et crédible à l'échelle internationale et régionale

 C'est sans doute la dernière interview accordée à un média par Tiémoko Meyliet KONE en tant que gouverneur de la BCEAO. Prévu de longue date et réalisé début avril 2022 pour ce numéro, bien avant sa nomination en qualité de Vice-président de la Côte d'Ivoire, cet entretien a permis à cet économiste très respecté d'échanger sur le parcours de l'institution d'émission monétaire qui célèbre cette année son 60ème anniversaire. En fonction depuis 1975, il fait partie de la seconde génération d'Africains qui a pris en main la destinée d'une institution qui aura contribué à aider les économies de l'UEMOA à faire face à de nombreux défis, de la crise des années 1980 à la crise sanitaire de la Covid-19 et les tensions à l'Est de l'Europe, en passant par le tournant de la dévaluation du Franc CFA.

Tiémoko Meyliet KONE avait en outre entamé les réflexions sur l'avenir de la banque centrale qui doit nécessairement tenir compte des évolutions de son temps avec les problématiques du changement climatique, de la digitalisation des économies et de l'émergence des crypto-monnaies. De vastes chantiers qu'il partage ici et qu'il laisse en héritage à la relève.

Interview. 

En 60 ans, la BCEAO a fait du chemin, réussissant à construire une zone de stabilité monétaire.

Quels ont été les faits marquants de ces 6 dernières décennies ?

Parmi la multitude de moments forts qui ont jalonné l'histoire de la BCEAO au cours des dernières décennies, quatre me paraissent particulièrement marquants. Tout d'abord, il y a bien évidemment la création de l'UMOA et de la BCEAO en 1962 par des pays nouvellement indépendants qui voulaient se doter d'une monnaie stable et convertible, en vue de favoriser le développement de leurs économies, attirer les investisseurs et préserver le pouvoir d'achat de leurs populations à travers une certaine stabilité monétaire. Pour donner corps à cette vision, les pères fondateurs ont décidé de se mettre ensemble, dans un élan de solidarité, en créant l'Union Monétaire Ouest Africaine.

 Le deuxième fait marquant a été la première réforme institutionnelle de l'UMOA et de la BCEAO qui s'est traduite en 1973 par la signature d'un nouveau traité. C'était une réforme de souveraineté. Après une décennie de fonctionnement, les pays de l'UMOA ont voulu se réapproprier leur banque centrale et lui donner les moyens de mettre en œuvre une politique monétaire plus favorable au développement de leurs économies. C'est ainsi que le siège de la BCEAO a été transféré du 29 de la rue du Colisée à Paris vers un des pays de l'Union, et Dakar a été choisie pour l'abriter. Un signal fort qui matérialisait alors une étape importante de l'histoire de la Banque.

 Dans la même dynamique voulue par la réforme de 1973, le personnel a été africanisé, un nouveau gouverneur ressortissant de l'Union a été nommé. Il s'agissait de Monsieur Abdoulaye FADIGA, un éminent et ambitieux visionnaire. On lui doit d'ailleurs le Centre Ouest Africain de Formation et d'Etudes Bancaires (le COFEB), qui a été créé afin de promouvoir une élite africaine de qualité, formée suivant les meilleurs standards internationaux. C'est ainsi que plusieurs générations de cadres formés au COFEB ont pu disposer des compétences attendues pour relever les nombreux défis du secteur financier et monétaire.

(…) après plus d'une décennie de politiques d'ajustement structurel infructueuses, les pays de l'Union ont finalement décidé, en janvier 1994, de dévaluer le franc CFA de 50% … Sur le plan de la gestion monétaire justement, la BCEAO s'est vue dotée de nouveaux instruments de politique de la monnaie et du crédit, avec l'arrivée d'Alassane OUATTARA, qui a succédé à Abdoulaye FADIGA après son décès. Ces nouvelles dispositions ont alors permis une utilisation directe de la monnaie centrale pour le financement des économies, dans un cadre administratif de régulation monétaire. Les Etats membres avaient, en effet, affiché leur volonté de mettre en place une politique d'industrialisation, qui devait s'appuyer, entre autres, sur l'utilisation d'instruments de politique monétaire mieux adaptés et susceptibles d'accroître la participation des nationaux à la gestion de l'économie. Le troisième fait marquant est la dévaluation du franc CFA en 1994.  Charles Konan BANNY, est à ce moment, gouverneur de la BCEAO.

Lorsque la dévaluation survient, elle est considérée comme l'épilogue de la grave crise économique, monétaire et financière à laquelle les pays de l'Union ont été confrontés à partir du début des années 1980. La détérioration des termes de l'échange, née de l'effondrement des cours des matières premières exportées, et la hausse des taux d'intérêt internationaux se sont traduits au sein des économies de l'UMOA par de profonds déséquilibres internes et externes et une dette publique insoutenable. De plus, et après plus d'une décennie de politiques d'ajustement structurel infructueuses, les pays de l'Union ont finalement décidé, en janvier 1994, de dévaluer le franc CFA de 50%, afin de rétablir les grands équilibres macroéconomiques. Parallèlement à cette dévaluation, il a été également décidé de la création de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), afin de conforter la base économique de la monnaie. Pour préparer et accompagner ces réformes, la Banque centrale avait décidé, dès 1989, de libéraliser les instruments de politique monétaire, avec un mode de régulation orienté vers les mécanismes de marché.

Aujourd'hui, notre Banque centrale est reconnue comme une institution moderne, efficace et crédible à l'échelle internationale et régionale.

Dans ce nouveau système, les taux d'intérêt débiteurs des banques ne sont plus déterminés administrativement, mais basés sur les règles du marché en vue de mieux préserver les équilibres internes et externes des économies.

Enfin, le quatrième fait majeur que je voudrais mentionner est la grande réforme institutionnelle intervenue en 2007. Autant la réforme de 1973 était une réforme de revendication de souveraineté, autant je pourrais qualifier celle de 2007 de réforme de maturité. Elle avait pour but de moderniser le cadre de gestion de l'UMOA et de mettre aux normes internationales l'ensemble des règles et opérations de la Banque centrale. C'est elle qui a assigné à la politique monétaire de la BCEAO, un objectif explicite et prioritaire de stabilité des prix, puis renforcé l'indépendance de ses organes dans la formulation de la politique monétaire et dans le choix des moyens nécessaires pour lui permettre de réaliser ledit objectif. Enfin, cette réforme a permis de moderniser et de mettre aux normes internationales le mode de fonctionnement, les règles et les procédures de la Banque Centrale. De vastes chantiers de modernisation ont été lancés pour faire évoluer les principales missions de la Banque Centrale, notamment la politique monétaire, la stabilité financière et la supervision bancaire, l'inclusion financière, et les systèmes de paiement.

 Cette longue marche, qui a permis à la BCEAO de garantir la stabilité de notre zone et de réaliser la vision des pères fondateurs, est le fruit du leadership de dirigeants qui se sont succédés à sa tête et en son sein. Aujourd'hui, notre Banque centrale est reconnue comme une institution moderne, efficace et crédible à l'échelle internationale et régionale.

La dévaluation du Franc CFA a été un tournant pour la région UEMOA alors plongée dans une grave crise économique. Pouvez-vous revenir sur le contexte et les raisons d'un tel choix ?

La dévaluation du FCFA est en effet intervenue en 1994, dans un contexte particulièrement difficile pour les pays. Elle a été la dernière séquence d'une série d'ajustements des économies de l'UEMOA, adoptés à partir des années 80, afin de permettre aux pays de la Zone franc de retrouver les grands équilibres macroéconomiques.

 Après les bonnes performances des décennies 60 et 70, les économies ont effectivement connu une période moins favorable. Comme déjà indiqué, elles ont souffert de la détérioration des termes de l'échange, avec l'effondrement des cours des principales matières premières. Ensuite ces économies ont dû endurer la mise en œuvre de politiques budgétaires qui avaient provoqué des déficits publics excessifs. Enfin, l'accroissement du service de la dette n'était pas pour arranger les choses, avec la hausse brutale des taux d'intérêts internationaux qui avaient atteint des niveaux records. Ces trois situations que je viens de décrire sont certainement à l'origine des déséquilibres macroéconomiques qui avaient plongé les économies de nos pays dans une crise profonde.

Pour résorber ces déséquilibres, les Etats ont dans un premier temps, adopté des mesures d'ajustement réel telles que la réduction des dépenses et la restructuration des entreprises publiques qui n'ont malheureusement pas donné les résultats escomptés, comme je l'ai déjà indiqué précédemment. Aussi, face à la persistance des déséquilibres, l'ajustement du taux de change était donc la dernière option susceptible de rétablir la compétitivité interne et externe des économies, de réduire les déficits publics et de relancer la croissance. Cet ajustement du taux de change fut effectif le 11 janvier 1994, par une dévaluation du franc CFA de 50%, décidée par les quatorze chefs d'État et de gouvernement des zones UEMOA et CEMAC. ====== Avec le train de mesures d'accompagnement ayant suivi la dévaluation, le bilan de l'ajustement monétaire ainsi décidé a été globalement positif. Les économies ont renoué par la suite avec la croissance et le changement de parité n'a pas créé la spirale inflationniste tant redoutée.

 Quel est votre regard sur l'évolution de l'agence UMOA-Titres, un organe essentiel dont vous êtes à l'origine, puisque sa création est le fruit d'une réflexion issue de la BCEAO ?

En effet, l'agence UMOA-Titres a été créée à l'initiative de la BCEAO en 2013 pour aider les Etats membres de l'UMOA à mobiliser sur les marchés financiers les ressources nécessaires pour la couverture de leurs besoins de financement, et surtout à des coûts modérés. Après neuf ans d'existence, je me réjouis que UMOA-Titres soit devenu un acteur majeur du marché régional de la dette publique. Au-delà des opérations de structuration et d'émissions de titres publics, UMOA-Titres apporte son assistance aux Etats en matière d'élaboration de Stratégie de Gestion de la Dette à Moyen terme, d'analyse de la viabilité de la dette, de gestion active du portefeuille de dette et de la trésorerie des Etats membres.

Depuis 2013, UMOA-Titres a donc permis aux Etats membres de l'UEMOA de lever des volumes substantiels de ressources sur le marché à des conditions favorables. Depuis 2013, UMOA-Titres a donc permis aux Etats membres de l'UEMOA de lever des volumes substantiels de ressources sur le marché à des conditions favorables. Le stock de la dette publique de marché est ainsi passé de 5 068,8 milliards en 2014 représentant 8% du PIB à 16 997,5 milliards en 2021, soit 17,1% du PIB. Au niveau du coût des émissions, les taux moyens pondérés des titres publics ont significativement baissé entre 2014 et 2021, passant respectivement de 5,2% à 3,1% pour les obligations du trésor et de 6,6% à 5,7% pour les bons du trésor. Enfin, la maturité des émissions s'est allongée. Ainsi, la maturité la plus élevée enregistrée sur les émissions est passée de 8 ans en 2014 à 15 ans en 2021. Ces évolutions, qui contribuent à préserver la viabilité de la dette publique des Etats membres, sont appelées à se renforcer au cours des prochaines années.

Enfin, il faut souligner que UMOA-Titres met à la disposition des acteurs du marché financier régional, acteurs internes comme externes à l'Union, une gamme d'informations utiles pour leurs prises de décisions. Globalement, depuis sa création, et ses résultats parlent d'eux-mêmes, cette agence a permis de développer sensiblement le marché financier régional.

 En 2020, Umoa-Titres lançait les bons sociaux Covid-19 sur le marché des titres publics, une initiative qui a permis de soulager les finances publiques des Etats confrontés à une forte hausse des dépenses. Quelle est l'histoire de cet instrument qui est une vraie innovation en matière d'appui aux économies en temps de crise ? La pandémie de la Covid-19 a entraîné une crise économique profonde au niveau mondial et nos pays n'ont pas été épargnés. Les Etats ont donc dû prendre des mesures pour, à la fois, lutter contre la pandémie et relancer les économies. Bien sûr, ces mesures nécessitaient un financement en urgence dans la mesure où elles n'étaient pas prévues dans les budgets ...

Retrouvez la suite de l'interview dans le dernier numéro du trimestriel Sika Finance à télécharger gratuitement via le lien ou en cliquant sur la une du magazine ci dessous.

Jean Mermoz Konandi Publié le 31/08/22 17:27

Tiémoko Meyliet KONE, Gouverneur de la BCEAO (2011-2021) et Vice-Président de la Côte d'Ivoire :

  • Publié dans Afrique

Le Président de la République travaille pour le retour des 49 soldats à Abidjan. La sagesse et la prudence doivent toujours commander les émotions.

 Face au cas de force majeure. Devant l’obstacle imprévisible. Aussi les gesticulations et propos à l’emporte-pièce sur l’affaire des 49 soldats ivoiriens au Mali, se révèlent être pour le moins ; dérisoires voire précipités. Une attitude à l’antipode de la réalité. Le silence observé par le Président Ouattara, sonne à la fois, comme de la réserve et de la maîtrise de soi. C’est-à-dire, avoir de la retenue là où (si ce n’est à cause de l’intérêt supérieur des pays frères concernés), il aurait suffi que l’on donnât de la voix, que l’on déclamât et se laissât emporter par la clameur et le chœur des lamantins. Non ! Lorsqu’on a des responsabilités d’Etat, on ne se laisse pas emporter par les réactions hérétiques ou épidermiques. Même si, elles sont, ou seraient au demeurant, de bon aloi.

La sagesse et la prudence doivent toujours commander les émotions. Aussi est-il regrettable que des comportements ‘’insufficients’’ n’en aient saisi l’importance de l’enjeu et n’en aient été habités par la sagesse.

En l’occurrence, l’affaire des 49 soldats au Mali en est une illustration grandeur nature.

 Malgré la crise, les casques bleu ivoiriens continuent leur déploiement au Mali. Dans « l’incompréhension » qui a opposé notre pays au Mali, du fait de l’affaire des 49 soldats retenus par le pays frère du Mali, l’opinion ivoirienne, s’en ait sans doute à raison, donné de la voix. Une attitude a priori normale ! Aussi a-t-on entendu toutes sortes de réprobations. Certes, pour autant ; on ne saurait se laisser aller à la polémique, aux affirmations péremptoires et autre panique. Car, dès lors qu’il s’agit de l’armée, cela devient quasi automatiquement, une question d’Etat. Cela induit, l’extrême prudence, la circonspection voire la mesure dans les prises de positions.

 Et pour l’occasion, l’on ne peut qu’être admiratif du Président Alassane Ouattara. Bien qu’il sût tout, en fils digne, ayant beaucoup reçu, appris et retenu du Président Houphouët, il use avec habileté et dans le langage et dans le comportement. Tout sauf la posture des cassandres. En homme d’Etat, il garde le silence et observe une démarche prudentielle. Et pourtant, il en sait suffisamment. Au surplus, il entend tous les murmures de ses concitoyens. Mais, lui, privilégie la démarche sacramentelle de la négociation que, depuis la nuit des temps, nos anciens s’autorisaient dans la résolution de tous conflits ou incompréhensions voire turpitudes, dans la marche de nos sociétés traditionnelles immémoriales. En l’espèce, le Président se comporte en grand Seigneur. En homme doté de sagesse. Car, savoir tout, entendre tout ou presque, mais rester digne ; n’est pas donné à tout le monde. Au reste, combien de chefs ; ici ou là, n’ont-ils échoué ; parce qu’ils n’ont su faire le bon choix entre se taire ou parler ? N’ont-ils su faire montre d’un stoïcisme autocentré même face à des situations de quadrature du cercle ? C’est-à-dire devant des situations cocasses, délicates et très sensibles.

Le Chef d'état-major est plus que confiant. En l’occurrence il s’agit moins de s’agiter, de disserter sur une question pour le moins délicate et sur laquelle le verbe se fait parcimonieux.

 En l’espèce et pour le coup, Ouattara fait la leçon. La leçon de sagesse ! En savoir beaucoup, mais travailler à la résolution du problème posé. User avec tact et discrétion à résoudre l’équation au calme ! Loin des clameurs des néo politico-influenceurs de pacotille.

 Au reste, faut-il s’en étonner ? C’est un secret de polichinelle d’affirmer que ; son modèle achevé, est et reste, le président Félix Houphouët Boigny, le mentor, le sage qui lui a communiqué les vertus ineffables de la sagesse, du don de soi, de l’amour incommensurable pour sa patrie. Ecce Homo : voici l’homme Ouattara, oint dans son magister par le père fondateur Houphouët qui était au crépuscule de sa vie. On comprend donc… Ouattara a puisé dans les enseignements légués par Houphouët pour y faire ses classes. Il en est fier et ne s’en est jamais caché puisque, cette initiation s’est faite à ciel ouvert ; devant la nation entière, alors qu’il était encore le premier (et unique) 1er ministre du Sage de Yamoussoukro.

Pour tout dire, Alassane Ouattara est un chef ! Dans la pure tradition ancestrale. Lui, mieux et plus que quiconque, sait : « qu’un chef, ne parle pas pour parler ». Le chef ne doit pas prononcer un mot de plus qu’un autre. C’est cette posture de dignité, qui dicte son comportement ainsi que ses agissements ! D’autant que, la matière considérée est délicate. Nous voulons saluer la médiation du président Faure Eyadema du Togo et de Macky Sall du Sénégal. Leurs efforts fraternels de conciliation et d’apaisement prônés, sont salutaires et font honneur à l’Afrique. C’est un bel exemple à promouvoir pour l’avenir.

A contrario, l’initiative peu amène de notre sœur Pulchérie Gbalet (bien que cela soit dans la tradition ivoirienne), n’a pas moins été à l’emporte-pièce et contraire aux usages diplomatiques consacrés en la matière. On ne va pas disserter sur l’abécédaire ès qualité. Il faut noter qu’elle a péché comme une néophyte, plus par ignorance que, sans doute, par volonté de jouer dans une cour dont l’accès se fait par codes ainsi que par des valeurs de secrets qui fondent les us et coutumes de la diplomatie secrète. Ce n’est donc pas une foire de société civile (?) ou de coterie politique. Elle ne pouvait être une interlocutrice sur un sujet d’Etat qui la dépasse !

 Les forces spéciales ont le moral au beau fixe. La société civile (?) (qui est loin d’être neutre en Afrique), n’est pas un passe-droit.

Hélas, elle semble s’être méprise sur cette réalité, la forme et le fond d’une matière par trop sensible : les questions militaires. Lorsque l’on observe les ballets diplomatiques des experts et autres spécialistes des questions stratégiques et militaires, on se pose la question de savoir, qu’est-ce qu’elle est allée y chercher. Pour quoi y faire, et quoi y espérer ? Et pourtant, à son retour de Bamako, l’épisode de la garde-à-vue puis de son passage devant les autorités judiciaires avant sa remise en liberté, aurait dû lui avoir servi de leçon. De choses à ne pas faire en pareilles circonstances. La société civile (?) (qui est loin d’être neutre en Afrique), n’est pas un passe-droit. Pas plus que sous son couvert factice et fictif, voudrait-on l’utiliser comme viatique pour accéder à certains cercles qui, pourtant ; ont leurs codes d’honneur et mots de passe.

L’Etat a autant d’hommes que de rouages de spécialités. De personnes ressources ès qualité, ainsi qu’une kyrielle de missi-dominici en interne, pour ne pas être en mesure d’apprécier déjà, quelle était la naure du problème posé qui, lui ; ne relève en définitive, que de la raison d’Etat. Personnellement, j’aurais été d’un bon conseil si, un seul instant ; j’avais subodoré ou senti d’une part, qu’elle s’en irait à Bamako sur les bords du fleuve Djoliba et, d’autre part, plutôt que d’avoir retenu la leçon, elle se répandrait sur un sujet d’Etat par trop sensible sur les réseaux sociaux. Pour la circonstance, la réaction d’autorité de quelque pays que ce soit, intervient toujours ipso facto. Il n’est donc pas surprenant que, les autorités aient réagi pour faire la leçon. Il faut espérer la mansuétude du Président de la République à son égard.

Le Président Alassane Ouattara a su faire montre de son sens élevé de la négociation et du dialogue

 Un citoyen quel qu’il soit, s’il n’en est mandaté, ne peut s’immiscer dans des affaires aussi sensibles que délicates comme celles de militaires. On n’a pas besoin d’un croquis pour le faire comprendre. Cela paraît si limpide.

Pour tout dire, Ouattara connaît ses compatriotes que nous sommes. Il sait que les Ivoiriens n’ont jamais été aussi unis et solidaires qu’en la circonstance. Pour la grandeur de la patrie. Pas un mot qui contrevienne ou qui ne serait pas à sa place. D’où la prudence qui doit habiter les uns et les autres sur cette question, qui n’est pas ; un air qui incline à danser le tango ou la valse.

Rien de ce qu’il entreprend n’est le fruit du hasard. Du reste, en maintes occasions, le Président Alassane Ouattara a su faire montre de son sens élevé de la négociation et du dialogue autant que de besoin, à l’exemple du père Houphouët. Il en a pris de la graine…

C’est un homme d’honneur qui a le sens du devoir et du patriotisme. Rien de ce qu’il entreprend n’est le fruit du hasard. C’est un homme sage ! Le pouvoir d’Etat l’en a conforté. En l’espèce, à l’instar des sages comme lui, rien n’est fait dans la précipitation. Pas un mot de plus qu’il n’en faut. Ou, une attitude de plus qui ne se justifierait.

Pour les Latins ’’Cautus esto mater salutis’’ c’est-à-dire ‘’La prudence est mère de sûreté’’. Qui va piano va sano : « il vaut mieux partir lentement et atteindre son but, plutôt que de se précipiter et prendre le risque d'aller tout droit à l'échec ».

Tôt ou tard, la fraternité triomphera !

Par ;  Bamba Alex Souleymane Journaliste professionnel Expert consultant en Stratégies Et en Relations internationales

Le trafic de drogues sur une grande échelle peut poser d’importantes menaces à la sécurité d’un État

L’évasion du dealer Franco-sénégalais de trafic international de drogue, TAMBEDOU Mohamed, détenu depuis 2019 à la maison d’Arrêt et Correction d’Abidjan (MACA), relance la problématique du trafic de drogues et ses aléas dans notre pays. Il faut noter que depuis le 2 juin 2022, plusieurs personnes ont été inculpées et écrouées à la MACA pour délit de trafic international de cocaïne relatif à une enquête sur la saisie de plus de deux tonnes de cocaïne à Abidjan et San-Pedro en fin Avril 2022.

Trafic de drogue: Les narcotraficants veulent enfouir la trompe de l’éléphant dans la farine La lutte contre les drogues constitue une priorité de l’action publique, afin de protéger nos concitoyens, en particulier les plus jeunes. Problématique sociétale complexe, elle concerne directement la sécurité des citoyens et constitue un sujet du débat public. Elle engage de nombreux secteurs d’activité dans des champs d’action divers et dont les objectifs nécessitent d’être mis en cohérence. La responsabilité de cette lutte engage inéluctablement les pouvoirs publics. Notre pays se trouve actuellement confronté à une situation très préoccupante en matière de drogues qui présente une face hideuse de notre pays. Ainsi, malgré les efforts constants des pouvoirs publics pour endiguer la progression du trafic, l’usage de drogue reste aujourd’hui un problème majeur de santé et de sécurité, qui touche directement ou indirectement l’ensemble de la population ivoirienne.

 En effet, aux dommages sanitaires et sociaux, s’ajoutent des dommages de violence, délinquance, insécurité, économie souterraine. La question de la drogue reste aujourd’hui un sujet de société complexe pour notre pays. Tout le monde devrait être concerné par ce fléau qui progresse de jour en jour. Dans ce contexte, la politique publique menée dans le domaine des drogues doit être plus ambitieuse et plus claire avec pour seul objectif de réussir à faire baisser durablement le nombre d’usagers et de trafiquants. Par ailleurs, l’émergence de la contrebande de drogues en Afrique de l’Ouest, contribue aux économies illicites, à la mauvaise gouvernance et à la pénétration profonde du trafic de drogue et d’autres économies illicites dans la vie politique et économique de nos pays.

Ce trafic est devenu le crédo économique des terroristes qui alimentent ou financent leurs funestes desseins par l’achat des armes avec cet argent sale. Par ailleurs, le contexte post-conflit de plusieurs États de la CEDEAO, la prégnance de la corruption à de nombreux échelons des forces de sécurité, de la justice et du monde politique de plusieurs pays, la faible rentabilité des activités économiques légales, dans un contexte de crise et la diminution de l’aide au développement, sont d’autres facteurs ayant favorisé l’émergence et le développement du trafic des stupéfiants dans cette partie du continent.

 Le trafic de drogues sur une grande échelle peut poser d’importantes menaces à la sécurité d’un État Il faut noter que dans les pays où les institutions garantes de l’état de droit sont faibles, le commerce de drogues pourrait menacer l’État en offrant une filière aux organisations criminelles et corrompre des hommes politiques pour entrer dans l’arène politique, ce qui pourrait compromettre le processus démocratique, et même la stabilité du pays.

 Et le problème se perpétue. En effet, le succès d’hommes politiques financés par l’argent illicite en incite d’autres à participer aux économies illicites, ce qui entraîne une corruption endémique et le dysfonctionnement des institutions à la fois aux niveaux sous régional et national. Un commerce de drogues important avec des trafiquants puissants a aussi des effets pernicieux sur la police et la justice du pays. Alors que l’économie illicite se développe, la capacité de faire respecter la loi et de conduire les procédures judiciaires diminue. L’impunité pour l’activité criminelle augmente aussi, compromettant la crédibilité et la dissuasion du système de justice. De plus, les trafiquants puissants ont souvent recours à la violence pour dissuader et éviter les poursuites judiciaires, tuant ou soudoyant les procureurs, les juges ainsi que les témoins.

 Sous ses formes les plus pernicieuses, le trafic de drogues sur une grande échelle peut poser d’importantes menaces à la sécurité d’un État. Dans certains cas, le crime organisé, peut devenir violent au point d’empêcher un pays à faire respecter l’ordre, ce qui représentera alors une menace pour la sécurité nationale. Par conséquent, il faut élaborer une réponse efficace pour faire face aux problèmes que pose ce trafic ignoble dans l’édification de l’Etat. Cependant, la mise en place de moyens drastiques et téméraires notamment des peines sévères d’emprisonnement pour les usagers et trafiquants, le déploiement massif des forces de l’ordre, le retrait des troupes des agents corrompus et mal formés. In fine, il ne faut pas uniquement s’attaquer aux symptômes de ce fléau, il faut aussi s’attaquer aux causes profondes.

Une contribution de Idriss DAGNOGO