"Félicien Yédé N’guessan est un militant de première heure de l’ex-Rdr, ensuite du Rhdp. Il a été secrétaire départemental adjoint du Rdr (Sikensi). Expert consultant en communication des organisations, et ancien conseiller technique au Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec), il livre, dans cette interview, son analyse de l’évolution de la politique.
Quelle est votre analyse de la rencontre le 14 juillet dernier entre les trois grands leaders de la politique nationale : le Président de la République Alassane Ouattara et ses deux prédécesseurs, Messieurs Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo ?
D’abord mes remerciements à vous et à toute la rédaction pour l’honneur que vous me faites de m’offrir l’opportunité de partager ma lecture de l’actualité sociopolitique de notre pays. A propos de la rencontre des trois plus grandes figures de la politique ivoirienne, il est souhaitable qu’après cette première, tout soit fait pour que les prochaines entrevues soient consacrées plus à des échanges d’intérêt national qu’à des revendications partisanes.
Et que pensez-vous de l’absence des deux grands leaders, les Présidents Bédié et Gbagbo aux festivités du 62ème anniversaire de l’indépendance à Yamoussoukro, alors qu’ils avaient été invités par la Président Alassane Ouattara à y prendre part ?
C’est vraiment regrettable que les deux Anciens Chefs d’Etat, censés être les premiers promoteurs des principes républicains, se soient volontairement soustraits de ce cadre solennel d’expression du patriotisme par excellence. Pour moi rien ne justifie ce genre d’attitude, quelle que soit la gravité des sujets qui peuvent opposer les hommes politiques les uns aux autres. Par cet acte, ils ont simplement manqué d’élégance politique en donnant l’impression de faire passer leurs intérêts partisans avant l’intérêt général. A cette allure, il est fort à craindre que le désir de réconciliation bruyamment affiché ne soit qu’un leurre.
Quel commentaire faites-vous de la crise qui oppose actuellement la Côte d’Ivoire au Mali dans l’affaire des 49 soldats ivoiriens détenus à Bamako par la Junte militaire ?
Pour commencer, permettez-moi de dire un mot sur le rôle de la Cedeao pour saluer la fermeté avec laquelle elle gère le dossier malien, ainsi que ceux du Burkina Faso et de la Guinée. Je pense qu’il est temps qu’en Afrique, nos Etats se soumettent au strict respect des règles et principes qui régissent les organisations régionales ou continentales dont ils sont membres. Notre sous-région en particulier a déjà assez souffert de l’instabilité récurrente de ses Régimes politiques. Il est vraiment temps que dans cette zone, les prises du pouvoir d’Etat par les armes soient définitivement bannies. Dans le cas malien et s’agissant de l’arrestation et la détention des militaires ivoiriens, j’ai foi dans les capacités du Président de la République et de son Ministre de la Défense pour parvenir à une issue favorable. En attendant, il convient de féliciter les ivoiriens pour les attitudes pacifiques qu’ils observent à l’égard de nos frères maliens vivant sur notre sol depuis le déclenchement de cette crise.
En ce moment la question de la vie chère fait l’actualité et pour laquelle des personnalités publiques, politiques et des citoyens se sont prononcé en dénonçant l’inaction du gouvernement à y apporter des solutions. Qu’en pensez-vous ?
Sur le sujet de la vie chère, le Gouvernement a déjà consenti beaucoup d’efforts pour en contenir les effets sur le quotidien des populations. Or nous savons tous que les causes de ce phénomène ne sont pas exclusivement endogènes. Partant de là, il est souhaitable que tous ceux qui émettent des critiques, notamment les partis de l’opposition, fournissent des arguments techniques, fiables et convaincants pour nous situer sur le niveau de responsabilité du Gouvernement. Dans le cas contraire, je serais en droit de pointer le caractère manipulatoire de ces critiques qui sont contraires à l’éthique en politique. Car à ce stade de notre évolution, les populations ont besoin de savoir d’où viennent les causes de leurs difficultés quotidiennes. C’est ce qui se passe dans tous les pays organisés.
Il y a de cela quelques mois, le Parlement ivoirien a vu l’élection de son nouveau Président en la personne de l’Ancien Secrétaire Exécutif du RHDP, Monsieur Adama Bictogo, avec le soutien quasi unanime de l’ensemble des partis politiques siégeant. Quelle est votre analyse de ce fait politique qu’on pourrait qualifier d’inédit dans l’histoire politique de la Côte d’Ivoire ?
Avant toute chose, je voudrais saluer la mémoire de l’Ancien Président, Feu Amadou Soumahoro pour qui j’ai beaucoup de respect pour ses convictions et son engagement politique. Quant au nouveau Président, je tiens à le féliciter et je suis convaincu qu’il apportera un souffle nouveau pour le rayonnement de cette Institution qui compte parmi les instruments majeurs de la République qu’il faut redynamiser pour accompagner plus efficacement l’Exécutif dans sa mission de modernisation et de développement de la Côte d’Ivoire. Et je l’en sais capable, car c’est un homme passionné, qui de l’ambition et avec qui j’ai eu l’occasion de partager des moments de collaboration à une certaine époque de notre lutte politique. Concernant l’option du consensus qui a marqué l’élection, elle n’était pas d’une nécessité absolue pour le candidat élu, même si cela représentait un signal fort dans le sens de l’apaisement.
A mon avis il serait plus judicieux que ce type de communion entre adversaires politiques soit plus porteuse de sens et qu’elle se manifeste, par exemple, lorsque les institutions de la République sont menacées de l’intérieur ou de l’extérieur, ou lorsque la vie d’un citoyen est en jeu, comme c’est actuellement le cas dans la crise des militaires ivoiriens détenus au Mali. Et c’est en cela que l’on peut reconnaitre l’utilité d’une action politique. Mais il convient après tout de saluer le mérite du Chef de l’Etat qui, depuis la présidentielle d’octobre 2020, et en dépit des nombreux faits de provocation et de défiance à son égard, a su créer les conditions de la stabilité qui permet aujourd’hui à la classe politique de se retrouver dans une telle ambiance fraternelle.
Alors comment en sommes-nous arrivés à cette situation après les incidents graves qui ont émaillé la présidentielle d’octobre 2020 ?
Cette question appelle logiquement le regard d’un sachant plutôt proche des différents dossiers qui ont été traités et qui ont abouti à l’état actuel de la situation. Je ne peux donc fonder mon analyse que sur ce qui est observable par le grand public dont je fais partie. Mais déjà, je me réjouis que nous soyons revenus, pour la première fois depuis des décennies, à un climat beaucoup plus apaisé avec un niveau de sécurité satisfaisant à maints égards. Et je souhaite que cela continue dans la durée.
Quelle est votre opinion sur l’élément déclencheur de cette crise de 2020 que certains attribuent à un troisième mandat, le « mandat de trop » pour le Président de la République, alors que les autres affirment que c’est son premier mandat de la troisième République ?
Ce débat en mon sens, n’avait pas lieu d’être pour une raison simple. Entre la position de ceux qui fondent leur argument sur le factuel, au regard des deux précédents mandats du Président Alassane Ouattara pour lui dénier le droit à un autre mandat, et ceux qui se réfèrent aux dispositions de la Constitution de la troisième République l’autorisant à briguer d’autres mandats, le débat devait être rapidement clos, si l’on s’en tient à la primauté du Droit sur les faits vécus. En tout état de cause il faut espérer que cette autre page noire de l’histoire de notre pays est définitivement tournée. Cependant il y a un élément fondamental qui a été éludé dans ce débat et sur lequel je voudrais revenir en juste deux mots pour dire que quand on aime son pays, on n’a pas le droit de le céder, quel que soit le prix à payer, à des mains insuffisamment préparées pour en assurer sécurité, surtout quand ce pays est sous menace terroriste imminente. C’est ce que le Président Ouattara en tant que Chef des armées a fait. Et il avait raison. Les résultats sont là. Le pays est stable, en paix et continue son petit bonhomme de chemin dans le voie du progrès.
Et comment expliquez-vous le retour à cette situation d’accalmie ?
Plus qu’une accalmie, c’est de stabilité qu’il faut plutôt parler. Et le principal facteur explicatif, c’est l’approche préventive de la gouvernance et les mesures spécifiques qui en découlent. Tous les résultats que nous observons aujourd’hui sont en effet le fruit d’un ensemble de mesures que le Gouvernement a dû prendre, à divers niveaux de la vie de la Nation. A commencer par une surveillance accrue du territoire national, qui a permis de juguler les nombreuses tentatives de déstabilisation, tant de l’intérieur que de l’extérieur. Ensuite il a fallu, parallèlement au dialogue politique noué avec les partis de l’opposition, créer les conditions d’assainissement de l’environnement des affaires, de sécurisation des personnes et des biens, toutes choses qui ont favorisé des investissements publics et privés massifs, avec de nouveaux emplois à la clé, principalement au profit des populations jeunes. Tout cela avait pour but de parvenir à une croissance économique soutenue avec son impact positif sur le quotidien des populations. N’oublions pas que c’est grâce à cette embellie économique, en dépit des effets de la pandémie du Covid, que beaucoup de jeunes, surtout ceux qui se soucient véritablement de leur présent comme de leur avenir, ont pu résister aux appels à la violence et aux troubles sociaux et que progressivement nous avons pu recouvrer ce climat de stabilité et de paix dont il faut se féliciter.
Une certaine opinion trouve pourtant que cette « stabilité » que vous décrivez est plutôt due à une gouvernance autocratique qui ne favorise pas la liberté d’opinion, de manifestations, et de débats démocratiques. Qu’en dites-vous ?
Dans le cadre d’une gouvernance démocratique, la régulation de l’espace public me parait être une question centrale. Et dans le cas d’espèce, les choses telles qu’elles sont vécues aujourd’hui dans notre pays n’ont rien de comparable avec le passé sous les autres Régimes qui se sont succédés depuis la fin du règne du Président Houphouët-Boigny. Depuis lors, c’est en effet la première fois, à la faveur du développement des réseaux sociaux, que des opposants, même les plus anonymes, peuvent critiquer publiquement un Pouvoir comme c’est le cas actuellement, avec autant de virulence, allant quelque fois jusqu’à offenser purement et simplement le Chef de l’Etat sans être inquiétés. Il n’y a donc rien de comparable avec les campagnes de catégorisation, de ségrégation, les arrestations arbitraires, les enlèvements et même les assassinats dans de nombreux cas, qui avaient cours à une certaine époque. Sur ces sujets, je sais de quoi je parle pour avoir moi-même été enlevé en pleine journée, et avoir été à deux doigts de connaitre le même sort que toutes ces centaines voire milliers de personnes disparues, juste parce qu’elles étaient différentes ou parce qu’elles ne partageaient pas les mêmes opinions que certains de nos concitoyens. Et ces pratiques hideuses, nous en avons été des témoins oculaires durant des décennies, sous le règne de concepts fumeux comme « l’ivoirité », la « refondation » et que sais-je encore. Et il est bon de rappeler au souvenir de tous ceux qui veulent nier cette réalité implacable que ces pratiques ont fait beaucoup de mal à la Côte d’Ivoire et sont les principales causes des crises que le pays a connues de façon répétitive et dont on peine encore à sortir. C’est incontestable ! Alors, il est loisible de critiquer, mais il faut savoir raison garder en faisant quelque fois preuve de bonne foi. Quant au problème relatif à l’absence de débats contradictoires, le fait n’est pas nouveau et ne relève pas de la responsabilité d’un quelconque Gouvernement.
A qui la responsabilité donc ?
Le débat politique est une pratique, si ce n’est la première pratique nécessaire à la vitalité d’une Démocratie. Ceci revient à dire que sans débats politiques structurés, enrichies d’idées et de promesses distinctives, constructives, il n’y a pas de démocratie qui vaille. Pour faire vivre les débats, trois conditions doivent être remplies principalement. Premièrement, il nous faut des partis politiques mieux outillés pour proposer des solutions techniques, cohérentes et différentes les unes des autres, conformément aux idéaux qu’ils défendent individuellement. Deuxièmement, les spécialistes des sciences sociales doivent s’impliquer davantage dans le processus de changement social en produisant régulièrement des données scientifiques dans divers domaines d’activité. Car ce sont les sciences sociales qui, en observant la Société, identifient, nomment les problèmes et fournissent les clés de leur résolution à des organisations diverses, notamment les partis politiques pour leur permettre d’enrichir les débats. Troisièmement, les médias de masse devraient grâce à leur statut de quatrième pouvoir, tirer les partis politiques vers une émancipation démocratique en leur offrant des espaces de discussions spécialisées, pour leur permettre ainsi de marquer progressivement leurs différences idéologiques et programmatiques, sans lesquelles, il ne peut y avoir de vrais débats démocratiques constructifs. De ce point de vue, je constate que les médias majeurs que sont la radio et la télévision, manquent d’expertises pointues pour décrypter les faits de Société sur fond de critères normatifs, de sorte à mettre les partis politiques à l’épreuve de leur utilité sociale. Pour me résumer, je dirai que l’absence de débats politiques est l’affaire de tous. Elle est la conséquence logique d’une pénurie d’offres idéologiques et programmatiques viables, lisibles et visibles dans un contexte de vide scientifique et d’absence de normes démocratiques.
Croyez-vous qu’il soit possible de corriger ces insuffisances et si oui, dans quel délai ?
Le problème ne se pose pas en termes de délai, car il s’agit là d’un processus évolutif qui peut être long ou court, selon les dispositions à prendre. Tout dépend donc du niveau de prise de conscience générale et de la volonté que chaque acteur devra y mettre, si les conditions sont favorables. Et la première des conditions, c’est la qualité de l’environnement général. A ce titre, il est heureux de constater, au risque de me répéter que le pays est revenu à une situation de stabilité acceptable, avec en prime la démocratisation progressive du paysage audiovisuel depuis quelques années. Et je pense que le principal enjeu, à partir de cette stabilité, c’est d’amener les différents acteurs de la vie politique, du monde scientifique et des milieux médiatiques à s’engager dans une logique où chacun jouerait pleinement son rôle pour favoriser les débats. Car en effet, c’est à travers les échanges et la confrontation les unes aux autres que les idées et convictions, même les plus figées pourront évoluer en étant remises en question, reconsidérées et affinées pour s’adapter aux normes démocratiques. Et puisque nul n’est détenteur de la vérité absolue, je crois fermement que c’est à travers ces procédures de légitimation médiatique que les partis politiques les mieux organisés pourront tirer leur épingle du jeu, en se bonifiant progressivement avec des lignes idéologiques et des projets de Société personnalisés, plus lisibles et mieux adaptés aux exigences du développement intégral. Voilà, en mon sens, un certain nombre de clés qui pourraient permettre, dans un délai raisonnable et sans doute de façon durable, de venir à bout des tensions et violences politiques inutiles auxquelles nous ont habitués certains acteurs de la vie publique. La finalité c’est de parvenir à un système démocratique plus civilisé où la tolérance, le respect de la différence et le respect des institutions s’imposerait comme valeurs de référence. L’impression que vous laissez transparaitre, c’est que depuis l’introduction du multipartisme et malgré une pratique longue de plus de trois décennies, nous en sommes encore au point de départ, loin des promesses démocratiques qui en découlent.
Qu’est ce vous a amené à ce constat pessimiste ?
Je pense que les difficultés qui minent les chances d’émancipation démocratique et de développement de nos jeunes Etats en général ne relèvent pas de la fatalité. Elles sont, avant tout, dictées par une conception encore trop partielle de l’activité politique. Ce qui pose fondamentalement le problème d’utilité de nos partis comme je l’ai déjà souligné à maintes reprises dans cette interview. Pour moi tout parti politique qui nait devrait pouvoir démontrer ses capacités à agir quotidiennement à la recherche de véritables solutions à tous les problèmes qui peuvent se poser à la Société, en abordant la politique dans une approche systémique et structurelle, avec une dose de rationalité suffisante . Cela implique un mode d’organisation interne performant, porté par des hommes et femmes aux compétences avérées et variées, ainsi que des ressources matérielles conséquentes. Or dans nos pays fraichement soumis aux exigences démocratiques, rares sont les formations politiques qui remplissent ces critères minimaux. Mais tout part surtout de la thèse généralement admise que la finalité pour tout parti politique est de « conquérir et d’exercer le Pouvoir ». A partir de ce postulat, il n’est pas étonnant que, pour accéder au Pouvoir, et en raison de leurs insuffisances organisationnelles, certains prennent le raccourci en usant de la démagogie et du populisme ou dans les cas extrêmes, en optant pour les coups de force armés. Dans un tel contexte, toute conception rationnelle présupposant une démarche intellectuelle dont est privée le plus grand nombre d’individus va donc demeurer minoritaire. Ce qui rend la Démocratie incompatible avec une politique réaliste et juste. Voilà en substance, ce qui contribue entre autres choses à ralentir le processus de démocratisation de nos sociétés et rend difficile le rôle utilitariste de nos partis politiques. Et plus longtemps ces obstacles résisteront au désir de changement, et plus long sera le chemin pour parvenir au modèle démocratique attendu de cette nouvelle expérience multi partisane.
Voulez-vous dire que les partis politiques qui ont pour certains déjà gouverné et qui, pour d’autres, gouvernent encore et qui ont tous un tant soit peu contribué au développement du pays ne remplissent pas toutes les conditions de leur utilité à la Société ?
C’est un peu excessif des voir les choses de cette manière, mais je dois préciser que malheureusement, depuis l’introduction du multipartisme, les notions de légitimité sociologique et surtout d’utilité n’ont pas suffisamment ou du tout été prises en compte dans la création et l’animation de nos partis politiques, comme l’impose notre passage de la Société traditionnelle à la modernité. Car une Société comme la nôtre, en pleine évolution avec ce que cela comporte de complexification progressive de son fonctionnement, et où tout reste encore à inventer pour bâtir une vraie Nation, il était d’abord nécessaire d’établir la différence entre la notion de modernisation et la notion de développement intégral dans sa dimension humaine plus particulièrement. Le processus de modernisation est celui dans lequel nous sommes engagés aujourd’hui, avec son lot de mimétisme social dû à l’importation massive des technologies et les habitudes de consommation hybride qui y sont attachées. Ce qui est différent du développement intégral qui lui est un processus plus exigeant, dans lequel l’Etat, la Société, mais plus particulièrement les partis politiques ont beaucoup plus à faire qu’ailleurs pour transformer les consciences au rythme des évolutions souhaitées. Sur ce plan, on peut affirmer que les résultats espérés ne sont pas insatisfaisants. Il suffit d’un regard, par exemple, sur les crises sociopolitiques récurrentes et leur incidence négative sur les relations sociales pour s’en convaincre. Pour moi, les Partis politiques en arrière-plan des gouvernements respectifs auraient été mieux inspirés et plus utiles, si, dès leurs naissances, ils avaient pu saisir, en amont des pratiques démocratiques, le caractère hautement sensible de nos diversités ethniques et religieuses, et avaient su en faire, à partir de leurs propres expériences en interne, un riche brassage au service du développement du pays. C’est en ce sens qu’ils ont, je crois, failli à leur mission de d’éducation du peuple au vivre ensemble. Car un peuple insuffisamment éduqué et privé de conscience peut dans son écrasante majorité faire des choix contre ses propres intérêts. Or l’aspiration suprême de tout peuple est de vivre dans un environnement stable et paisible, propice à son épanouissement. A condition d’être lui-même doté d’un minimum de conscience, d’abord pour sa propre survie, ensuite pour le respect des autres et enfin pour l’édification et la préservation d’Institutions justes et crédibles.
Et pensez-vous que les jeunes générations auront les aptitudes pour corriger ces « erreurs » de parcours avec la création de nouveaux partis comme le COJEP de Charles Blé Goudé et le GPS de Guillaume Soro et le MGC de Simone Gbagbo ?
Je suis convaincu que l’arrivée de ces nouveaux partis, dans la sphère politique nationale viendra en rajouter au gâchis que je fais observer en termes de dispersion de nos moyens déjà très limités. Un petit pays d’à peine 26 millions d’habitants comme la Côte d’Ivoire ne peut pas se payer le luxe de continuer à enregistrer autant de nouveaux partis politiques quand on sait qu’individuellement, ces partis ne peuvent rien apporter de plus au niveau de leur poids électoral, mais aussi pour ce qui est de la qualité des projets de Société. Parce dans la majorité des cas, ils n’en auront pas les moyens humains et techniques, si ce n’est de rechercher de la visibilité en se prêtant au traditionnel jeu de coalition sans grand intérêt pour la Nation. Mais je me garderai de préjuger de l’avenir de ces partis politiques dans ce contexte de faible niveau de conscience où souvent les choix politiques n’obéissent pas à tout ce qui relève du domaine de la rationalité.
Et que dites-vous de cet autre parti, le PPA CI de l’ancien Président Laurent Gbagbo, créé il y a environ un an ?
L’observation que j’ai faite sur les autres partis naissants s’applique également au PPA-CI, à savoir que la multiplicité des partis politiques est un gâchis. Cela dit, je suis comme beaucoup de mes compatriotes en observation, attendant de voir ce que ce parti créé par un ancien Chef d’Etat pourra offrir de différent et qui pourrait le rendre intéressant et surtout utile à la Société Ivoirienne. Mais déjà, je peux dire que la création du PPA-CI est le signe d’un échec de parcours, assimilable à un reniement. C’est-à-dire le reniement d’un passé peu glorieux avec lequel on veut rompre totalement, à tous prix et peut-être définitivement. En observant bien les actes posés par Laurent Gbagbo, depuis son retour de la Haye, on se rend bien à l’évidence que l’Ex chef de l’Etat veut se faire une virginité politique en se débarrassant de tout ce qui peut gêner ou qui, à un moment donné, a pu contribuer à écorner son image plus particulièrement à l’international. Et j’en veux pour preuves, trois exemples : premier exemple, c’est l’annonce fracassante de son divorce avec son épouse « camarade », co-fondatrice du FPI, Simone Gbagbo qu’il trouve désormais un peu encombrante. Deuxième exemple, l’abandon aux mains de son ancien Premier Ministre Affi N’guessan, et sans motif idéologique apparent, un FPI mal perçu depuis quelque temps par la gauche internationale en particulier. Ce qui à l’époque, lui avait valu d’être lâché par ses amis du Parti socialiste français, ceux-là mêmes qui l’ont encadré, soutenu et aidé à accéder au Pouvoir en octobre 2000. Le troisième exemple, c’est la dénomination explicitement évocatrice de ce parti, qui vient parachever la démarche de Monsieur Gbagbo et qui montre clairement qu’il veut changer de cap, tourner le dos à ce passé marqué par du « bricolage idéologique » et par une gouvernance un peu chaotique. Mais le problème qui se profile à l’horizon c’est comment le PPA-CI, en se proclamant opportunément panafricaniste avec une ouverture aux autres peuples d’Afrique, pourra-t-il s’accommoder de ces idées et pratiques peu orthodoxes, profondément ancrés dans les esprits de ses partisans qui ne manquent aucune occasion pour associer a un non ivoirien, à l’étranger, toute personne qui, selon eux, n’est pas issu d’un village de Côte d’ivoire, ne porte pas un nom attaché au terroir, ou ne partage pas leurs convictions. Cette question est fondamentale et mérite d’être soulevée pour mettre en lumière les ambiguïtés entretenues du côté de nos frères de la gauche opportuniste, abonné à un panafricanisme occasionnel de commande.
Ce genre de positions ou propos ne peuvent pas être attribués à des Responsables de ce Parti ?
Peut-être non, mais vous savez, dans ce cas de figure, le petit peuple auquel vous faites allusion implicitement n’est que le prolongement de celui ou ceux qu’il représente sur le terrain politique. Par ses actes et propos, ce petit peuple ne fait que restituer les idées et concepts dont il été nourri durant des années par des moyens divers. Ce qui, me semble-t-il, est tout à fait légitime, mais alors il faut avoir le courage de l’assumer.
La création de ce parti en dissidence avec le FPI change-t-elle quelque chose, selon vous, sur l’échiquier politique national ?
Fondamentalement non sur le plan interne. Car au niveau interne, la masse militante demeure la même pour les deux Partis, le FPI et le PPA-CI. Sauf que cette masse militante s’en trouve aujourd’hui scindée en deux groupes qui deviennent automatiquement des adversaires politiques. Cependant sur le plan national, cela devrait, en mon sens, donner lieu logiquement à quelques bouleversements. Parce que la création de ce nouveau parti, au regard de sa dénomination même, devrait entrainer une nouvelle configuration du champ politique en termes de positionnement ou de repositionnement identitaire et de pratique. Si aujourd’hui M. Laurent Gbagbo et ses partisans affichent clairement leur proximité avec les autres peuples africains, cela veut dire que les discours et attitudes discriminatoires dont ils étaient coutumiers hier à l’égard des ces non ivoiriens et assimilés vont désormais évoluer vers un peu plus d’humanisme. Ce qui devrait en principe amener alliés et adversaires, à rabattre les cartes et à se déterminer par rapport à certains principes, si tant est que leur existence et leurs modes d’organisation obéissent véritablement à des principes conformes à leurs croyances et non à un mimétisme idéologique.
En tant que militant du RHDP, que dites-vous de la santé de votre parti ?
Le RHDP se porte bien au regard des critères d’appréciation de sa force électorale, puisqu’actuellement le parti est crédité du plus fort taux de représentation aussi bien dans les deux chambres parlementaires, dans les Régions que dans les Communes de Côte d’Ivoire, même s’il faut quelque part déplorer le faible niveau de participation aux dernières élections pour une partie de l’opposition. Mais il n’y a pas de quoi rougir, car cela fait partie des règles du jeu en matière de compétition électorale : plus souvent on est absent à différents scrutins et peu souvent on sera présent sur le terrain de la mobilisation des adhérents et des électeurs. En tous les cas, sur ce point précis, le RHDP a beaucoup appris de l’expérience du défunt RDR. C’est pourquoi il peut, à quelque chose près, se targuer d’être un grand Parti en avance sur les autres.
Et pourtant, malgré la bonne santé du Parti comme vous le dites, le RHDP en tant que parti unifié vient d’expérimenter pour la première fois, son système électoral interne dans les départements avec des actes de violence qui, de mon point de vue, n’honorent pas le Parti présidentiel. Qu’en dites-vous ?
Oui, cette situation est déplorable, mais comme vous l’avez souligné dans votre question, c’est un premier test depuis la création du RHDP, et j’espère que cela permettra de tirer les leçons qui s’imposent pour une meilleure organisation aux prochaines échéances. Cependant, je dois avouer qu’à divers niveaux du mode d’organisation interne, il reste des choses à parfaire. Car pour un Parti qui fait sa mue, passant de la phase de groupement à l’unité de destin, il y a beaucoup d’efforts à faire dans son organisation. Cela demande la mise en place de stratégies pour mobiliser ou remobiliser tous les militants, tant sur le plan quantitatif que sur le plan mental, sans oublier qu’il est primordial de définir et propager les contenus de son action politique. C’est pourquoi je salue l’initiative de restructuration qui a abouti à l’élection des Secrétaires départementaux. Toutes ces actions ont été menées pour répondre à deux défis majeurs : d’abord cela fait partie des exigences de fonctionnement normal de toute formation politique qui se veut responsable. Mieux, ces actions permettent au parti de faire face aux nouveaux enjeux nés de l’arrivée des partis fraichement créés et ce que cela peut logiquement entrainer de réorganisation éventuelle de l’opposition. Dans un cas comme dans l’autre, le parti houphouetiste a besoin d’évaluer ses forces, identifier et corriger ses faiblesses pour mieux se redéployer. Ces conditions sont nécessaires pour maintenir son statut de Parti leader. Et c’est une bonne chose car ce qui caractérise un grand parti politique, c’est sa capacité à se remettre constamment en cause dans un environnement politique et social en perpétuelle mutation. Mais il me semble important aussi, au vu de son statut de parti véritablement unifié, que le RHDP réadapte son mode d’organisation à la nouvelle configuration de son capital militant.
Certains analystes avancent que, n’ayant pas réussi à mettre en place un Parti véritablement houphouetiste, le Président Ouattara veut remettre le RDR en marche. Quelle lecture en faites-vous ?
Ces analystes sont libres de leur opinion, mais ce que je crois, c’est qu’ils n’ont pas bien compris la démarche du Président Ouattara. Dans le processus de création du RHDP, il est vrai qu’au départ, les différents partis membres de ce groupement, le RDR y compris, ont voulu conserver leurs identités propres. Mais pour le Président Ouattara, cette option ne devait durer que le temps des élections prévues pour 2005, et qui n’ont malheureusement pas pu se tenir à bonne date pour les raisons que nous connaissons tous. En réalité la position du Président Ouattara, à laquelle nous autres avons adhéré dès le départ, c’est que, d’une part, tous les adeptes de « l’Houphouetisme » unissent leurs forces et mobilisent le maximum d’ivoiriens autour de cette valeur d’hospitalité qui caractérise la Côte d’Ivoire et qui fait sa singularité aux yeux du reste du monde. Stratégiquement, cette démarche avait pour finalité, en regroupant tous ces partis déjà implantés dans les cinq grands pôles géographiques (le Sud, le Centre, l’Est l’Ouest et le Nord), non seulement de renforcer la légitimité sociologique du RHDP, mais aussi de prévenir les risques de déflagration sociale, en rapprochant à l’intérieur du RHDP, les différentes composantes de la Société ivoirienne les unes des autres, dans un élan de reconnaissance mutuelle, en vue d’une cohésion militante, consciente et, de ce fait, durable. C’est aussi un moyen de combattre des « contre valeurs » ambiants comme le repli identitaire, le nationalisme extrémiste et la xénophobie. Aujourd’hui nous observons que le but est en voie d’être atteint, d’autant plus que ces derniers temps, une tendance générale semble se dégager de plus en plus en faveur de l’ouverture aux autres, de la tolérance et du vivre ensemble. Et j’espère que cela pourra contaminer l’ensemble des organisations et communautés pour le bonheur de tous. Mais au-delà des considérations d’ordre social, la vision politique Président Alassane Ouattara à plus long terme, c’est de regrouper progressivement l’ensemble de la classe politique nationale autour de deux grands pôles idéologiques mieux outillés et plus performants: l’un, défendant les idées et pratiques de droite et l’autre, défendant celles de gauche.
Au-delà de sa bonne santé, certains prédisent déjà l’implosion du RHDP après le Président Ouattara, compte tenu, selon eux, des querelles de positionnement parfois centrées sur des considérations régionalistes dans le choix des leaders des différentes structures du Parti. Qu’en pensez-vous ?
Avant tout, il faut faire confiance au Président Ouattara pour léguer en héritage aux futures générations militantes, un parti soudé et davantage conquérant. Ce qui, bien entendu, impose, de la part des l’équipe exécutive, l’impérieux devoir de revisiter et de corriger les insuffisances susceptibles de ruiner les chances de survie du Parti. Dans cette perspective, certaines conditions restent à satisfaire pour maintenir au moins intact le niveau d’engagement des militants et sympathisants. En premier lieu, il y a les difficultés liées système relationnel qui est certes un mal commun à tous les partis politiques, mais qui dans le cas du RHDP se posent avec d’autant plus d’acuité que le parti est actuellement dans un processus d’unification où les militants issus des différents partis du groupement doivent expérimenter les dures règles du vivre ensemble. Deuxièmement, il faut faire en sorte que le mobile d’adhésion jusqu’ici essentiellement axé sur la personnalité du leader, soit désormais recentré sur l’organisation proprement dite, en renforçant davantage le sentiment d’appartenance à la même formation. Car, de la survie du parti dépendra la prise en compte ou non de la voix de tous les militants sans exclusive, quels que soient leurs appartenances ethniques ou religieuses et leur statut social. Ce qui suppose la mise en avant du bénévolat comme élément central du militantisme pour accorder à chaque militant et à chaque sympathisant, l’attention qu’il mérite, afin de maintenir un bon niveau d’engagement de l’ensemble. Troisièmement, il est impérieux de faire en sorte que les frustrations ressenties par certains militants pour multiples raisons, les guerres de positionnement qui souvent tournent à l’avantage des plus habiles manipulateurs, au détriment des militants honnêtes, compétents et engagés, etc., trouvent des solutions définitives. A côté de ces questions d’ordre purement humain, il faudra songer à définir les contenus de l’action politique du Parti en guise d’arguments institutionnels à l’usage des militants dans leur conquête de nouveaux adhérents ou d’électeurs pour les échéances à venir. A l’image des grandes qualités managériales de son Président, le RHDP est condamné à réussir le pari d’une organisation achevée qui permette de garder le cap de son leadership, même après l’inévitable retraite politique du Président Ouattara.
Comment voyez-vous les élections à venir pour le RHDP en 2025, avec l’éventuelle coalition PDCI- PPA-CI ?
Vous savez, dans une coalition où les différents acteurs n’ont pas grand-chose en commun et dans laquelle le seul objectif est de combattre un adversaire non pas pour des raisons idéologiques ou politiques en lien avec le bilan de sa gouvernance, mais juste pour ce qu’il représente en tant qu’individu, il arrive souvent que les choses tournent mal lorsque vient le temps de la gestion commune du pouvoir acquis. Et les exemples sont légion pour l’attester. A cet égard, concernant le PDCI et le PPA-CI, tout le monde sait l’inimitié que les deux leaders, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo vouaient l’un pour l’autre dans un passé récent. Donc il faut attendre de voir jusqu’où ils pourront aller. Mais autant vous dire tout de suite que cette coalition ne peut à maints égards, effrayer le RHDP dans la perspective des élections à venir. Car le parti, en tant qu’instrument politique du Gouvernement, a des arguments pour convaincre. Son bilan de cette dernière décennie, sans compter ce qui se prépare pour les années à venir, devrait suffire pour faire la différence. Reste à définir des stratégies spécifiques, compatibles avec les profils des différentes cibles qu’il faut identifier et traiter pour élargir la base électorale du Parti.
Le Député Assalé Tiémoko a annoncé sa volonté de faire une proposition de loi à l’ouverture de la session 2022, portant sur la retraite politique à l’âge de 75 ans. Qu’en pensez-vous ?
L’idée de ce projet depuis qu’elle a été portée sur la place publique divise les ivoiriens non pas pour l’analyse juridique que les gens en font, mais plutôt pour la qualité des personnalités visées implicitement. Objectivement, je pense que ce projet n’est pas assez pertinent, dans la mesure où, si la Loi était votée, elle pourrait priver de nombreuses personnes de 75 ans, aptes intellectuellement et physiquement, d’exercer leur droit de citoyen et si, de surcroît, ces personnes ont les compétences liées à la fonction en objet. Je prends l’exemple du Président Alassane Ouattara qui, à 80 ans révolus, n’a jamais été aussi actif dans sa fonction de Chef de l’Etat, et je pense que sur ce registre, il n’est pas le premier et ne sera peut-être pas le dernier. Pour moi le problème se trouve ailleurs, en dehors de la capacité reconnue à ces trois grands de la politique ivoirienne, les Présidents Ouattara, Konan Bédié et Gbagbo, à susciter les passions mobiliser les foules. Je ne suis donc pas certain que leur sortie de la scène politique règlerait les problèmes qui opposent leurs partisans respectifs, ainsi que les communautés ethniques qui leur sont attachées. Même si leurs noms ont cristallisé les conflits, les causes de ces conflits restent encore une réalité dans les esprits. C’est pourquoi il faut s’attaquer à la racine en privilégiant les procédures de discussions médiatiques contradictoires, pour que les certitudes parfois mal fondées des uns sur les autres, les incompréhensions et malentendus à l’origine des réflexes de défiance, de violence verbale et physique etc., soient levées pour faire place à la culture de l’humilité et du respect mutuel qui sont sources de cohésion et de paix. A partir de là, la Loi sur la limitation de l’âge de la retraite politique, selon moi, n’est que partie de la solution, mais pas la solution. Il faut donc que les acteurs politiques, associés aux médias de masse, s’engagent sur cette piste pour trouver les solutions idoines.
Quelle est votre conception de la politique et comment appréciez- vous sa pratique en Côte d’Ivoire ?
Par sa définition originelle, la politique se conçoit dans la capacité d’un individu ou d’un groupe d’individus à étudier la Société en vue de la connaitre, aux fins de mieux la transformer. C’est à partir de cette conception qu’en principe, la Société devrait être organisée dans sa globalité. Cela commence par l’individu comme vous et moi, membre d’une cellule familiale ; membre de la communauté du quartier où il habite ; membre de la communauté régionale ou ethnique dont il est issu ; membre de la communauté nationale à laquelle il appartient de naissance ou d’adoption ; membre du milieu professionnel où il exerce. A l’intérieur de chacun de ces cadres d’appartenance, le moindre acte que nous posons, dans un sens comme dans un autre, additionné à d’autres actes pris dans un cadre élargi, a obligatoirement une influence sur la vie de la collectivité tout entière, de sorte qu’il peut, au plan local ou national, infléchir une mesure gouvernementale. A ce même titre, les collectivités privées ou publiques, les groupements associatifs de tous genres, etc., sont tous des « agents dits politiques » dont les rôles, aussi minuscules peuvent-ils paraitre, sont comptables de l’état d’une Nation à un instant T. Enfin, vous avez les partis politiques dont la mission principale est d’exploiter à des fins d’identification et de mise en perspective en guise de projets de Société, selon leurs systèmes de croyances et de convictions, les idées, connaissances et expériences issues du corps social. La finalité c’est de contribuer tous, consciemment ou inconsciemment, à la transformation de la Société globale, soit en tant que civils (personne physique ou morale), à travers des les attitudes et comportements appropriés, soit en tant que qu’organisations politiques, au moyen de propositions contradictoires publiques, ou en tant que gouvernants par la mise en en oeuvre d’un programme dédié. Cette conception de la politique ainsi synthétisée, a le mérite de rendre plus aisée la pratique politique, en sens qu’elle peut permettre aux partis politiques principalement, tout en évaluant en permanence leurs potentialités, de rechercher les moyens, de corriger les insuffisances à l’issue de chaque compétition électorale. Mais d’un autre côté, si elle est admise par l’ensemble, développée et partagée au plus grand nombre, cette définition devrait permettre à chaque acteur-citoyen de pouvoir saisir l'importance de son rôle dans la Société, et après avoir identifié ses intérêts spécifiques, de faire les meilleurs choix pour sa vie et pour celle des générations futures de proximité. Peut-être parviendrons-nous, de cette manière, à vaincre les phénomènes d’incivisme et autres pathologies sociales qui contribuent fortement à freiner notre élan vers le progrès, en donnant ainsi à la politique sa conception la plus pragmatique et faciliter sa pratique quotidienne en Côte d’Ivoire. Le défi peut paraître utopique, mais s’il est soumis au dépassement de chacun, il peut être relevé collectivement. Entretien réalisé par ZIAO Hamidou
« Par H. ZIAO Qui va porter le Chapeau ?